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Le petit Chaperon Rouge de Charles Perrault

Le Petit Chaperon rouge

le petit chaperon rouge

Perrault, Contes de fées, Paris, Delarue, 1867. Source : gallica.bnf.fr/

«Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eût su voir; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le petit Chaperon Rouge.

Un jour sa mère ayant cuit et fait des galettes, lui dit : Va voir comme se porte ta mère-grand, car on m’a dit qu’elle était malade, porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. Le petit Chaperon Rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village. En passant dans un bois elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de la manger; mais il n’osa, à cause de quelques bûcherons qui étaient dans la forêt. Il lui demanda où elle allait; la pauvre enfant, qui ne savait pas qu’il est dangereux de s’arrêter à écouter un Loup, lui dit : Je vais voir ma Mère-Grand, et lui porter une galette avec un petit pot de beurre que ma Mère lui envoie. Demeure-t-elle bien loin? lui dit le Loup. Oh! oui, dit le petit Chaperon Rouge, c’est par-delà le moulin que vous voyez tout là-bas, là-bas, à la première maison du village. Et bien, dit le Loup, je veux l’aller voir aussi; je m’y en vais par ce chemin ici, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera. Le Loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court, et la petite fille s’en alla par le chemin le plus long, s’amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu’elle rencontrait.

Le Loup ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la mère-grand; il heurte: toc, toc. Qui est-là? C’est votre fille le petit Chaperon Rouge (dit le Loup, en contrefaisant sa voix) qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma Mère vous envoie. La bonne mère-grand, qui était dans son lit à cause qu’elle se trouvait un peu mal, lui cria : tire la chevillette et la bobinette cherra. Le Loup tira la chevillette et la porte s’ouvrit. Il se jeta sur la bonne femme, et la dévora en moins de rien; car il y avait plus de trois jours qu’il n’avait mangé. Ensuite il ferma la porte, et s’alla coucher dans le lit de la mère-grand, en attendant le petit Chaperon Rouge, qui quelques temps après, vint heurter à la porte. Toc, toc. Qui est-là? Le petit Chaperon Rouge, qui entendit la grosse voix du Loup, eut peur d’abord, mais croyant que sa mère-grand était enrhumée, répondit : c’est votre fille le petit Chaperon Rouge, qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma Mère voue envoie. Le Loup lui cria en adoucissant un peu sa voix : tire la chevillette et la bobinette cherra. Le petit Chaperon Rouge tira la chevillette, et la porte s’ouvrit. Le Loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche et viens te coucher avec moi. Le petit Chaperon Rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé. Elle lui dit :

 

    • – Ma Mère-grand, que vous avez de grands bras?
      C’est pour mieux t’embrasser, ma fille.
    • – Ma Mère-grand, que vous avez de grandes jambes?
    • C’est pour mieux courir, mon enfant.
    • – Ma Mère-grand, que vous avez de grandes oreilles?
    • C’est pour mieux écouter, mon enfant.
    • – Ma Mère-grand, que vous avez de grands yeux?
    • C’est pour mieux voir, mon enfant.
    • – Ma Mère-grand, que vous avez de grandes dents?
    • C’est pour te manger.

 

Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le petit Chaperon Rouge, et la mangea.”

 

MORALITÉ
On voit ici que de jeunes enfants
surtout de jeunes filles
belles, bien faites, et gentilles,
font très mal d’écouter toute sorte de gens,
et que ce n’est pas chose étrange,
s’il en est tant que le loup mange.
Je dis le loup, car tous les loups
ne sont pas de la même sorte;
il en est d’une humeur accorte,
sans bruit, sans fiel et sans courroux,
qui privés, complaisants et doux,
suivent les jeunes Demoiselles
jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles;
mais hélas! qui ne sait que ces Loups douceureux,
de tous les Loups sont les plus dangereux.

Source : Perrault, Contes de fées, Paris, Delarue, 1867. Illustration Henri Emy.
Source : gallica.bnf.fr /

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Cendrillon (extrait) – Hommage à Charles Perrault

Pour célébrer le 390e anniversaire de la naissance de Charles Perrault, Bat la sorcière philosophe vous propose cet extrait du conte Cendrillon :

… « Enfin l’heureux jour arriva, on partit, et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu’elle put ; lorsqu’elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa Marraine, qui la vit toute en pleurs, lui demanda ce qu’elle avait. « Je voudrais bien… je voudrais bien … » Elle pleurait si fort qu’elle ne put achever. Sa Marraine, qui était Fée, lui dit : « Tu voudrais bien aller au Bal, n’est-ce pas ? – Hélas oui, dit Cendrillon en soupirant. – Hé bien, seras-tu bonne fille ? dit sa Marraine, je t’y ferai aller. » Elle la mena dans sa chambre, et lui dit : « Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille. » Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu’elle put trouver, et la porta à sa Marraine, ne pouvant deviner comment une citrouille la pourrait faire aller au Bal. Sa Marraine la creusa, et n’ayant laissé que l’écorce, la frappa de sa baguette, et la citrouille fut aussitôt changé en un beau carrosse tout doré. Ensuite elle alla regarder dans la souricière, où elle trouva six souris toutes en vie ; elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière, et à chaque souris qui sortait, elle lui donnait un coup de sa baguette, et la souris était aussitôt changée en un beau cheval ; ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d’un beau gris de souris pommelé. Comme elle était en peine de qui elle ferait un Cocher : « Je vais voir, dit Cendrillon, s’il n’y a point quelque rat dans la ratière, nous en ferons un Cocher. – Tu as raison, dit sa Marraine, va voir. » Cendrillon lui apporta la ratière, où il y avait trois gros rats. La Fée en prit un d’entre les trois, à cause de sa maîtresse barbe, et l’avant touché, il fut changé en un gros Cocher, qui avait une des plus belles moustaches qu’on ait jamais vues. Ensuite elle lui dit : « Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l’arrosoir, apporte-les-moi. » Elle ne les eut pas plus tôt apportés que la Marraine les changea en six Laquais, qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés, et qui s’y tenaient attachés, comme s’ils n’eussent fait autre chose toute leur vie. La Fée dit alors à Cendrillon : « Hé bien, voilà de quoi aller au bal, n’es-tu pas bien aise ? » – Oui, mais est-ce que j’irai comme cela avec mes vilains habits ? » Sa Marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changés en des habits de drap d’or et d’argent tout chamarrés de pierreries ; elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Quand elle fut ainsi parée, elle monta en carrosse ; mais sa Marraine lui recommanda sur toutes choses de ne pas passer minuit, l’avertissant que si elle demeurait au Bal un moment davantage, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards, et que ses vieux habits reprendraient leur première forme …

 

Source : Charles Perrault, Contes, Folio classique, p. 172-174.

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Le Chat Botté de Charles Perrault

Pour fêter la naissance de Charles Perrault, le 12 janvier 1628, relisez le conte merveilleux du Chat Botté.

Monument Charles Perrault, Jardin des Tuileries. ©Le Rat/Soracha

Un meunier ne laissa pour tous biens à trois enfants qu’il avait, que son Moulin, son Ane, et son Chat. Les partages furent bientôt faits, ni le Notaire, ni le Procureur, n’y furent point appelés. Ils auraient eu bientôt mangé tout le pauvre patrimoine. L’aîné eut le Moulin, le second eut l’Ane, et le plus jeune n’eut que le Chat.

Ce dernier ne pouvait se consoler d’avoir un si pauvre lot : « Mes frères, disait-il, pourraient gagner leur vie honnêtement en se mettant ensemble ; pour moi, lorsque j’aurai mangé mon chat, et que je me serai fait un manchon de sa peau, il faudra que je meure de faim ». Le Chat qui entendait ce discours, mais qui n’en fit pas semblant, lui dit d’un air posé et sérieux : « Ne vous affligez point, mon maître, vous n’avez qu’à me donner un Sac, et me faire faire une paire de Bottes pour aller dans les broussailles et vous verrez que vous n’êtes pas si mal partagé que vous croyez ».

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