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Le vieux chat et la jeune souris

Le vieux chat et la jeune souris. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

Une jeune Souris, de peu d’expérience,

Crut fléchir un vieux Chat, implorant sa clémence,
Et payant de raisons le Raminagrobis :
« Laissez-moi vivre : une souris
De ma taille et de ma dépense
Est-elle à charge en ce logis ?

Affamerais-je, à votre avis,

L’hôte et l’hôtesse, et tout leur monde ?
D’un grain de blé je me nourris :
Une noix me rend toute ronde.
À présent je suis maigre ; attendez quelque temps :
Réservez ce repas à messieurs vos enfants. »

Ainsi parlait au Chat la Souris attrapée.

L’autre lui dit : « Tu t’es trompée :
Est-ce à moi que l’on tient de semblables discours ?
Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
Chat, et vieux, pardonner ? cela n’arrive guères.
Selon ces lois, descends là-bas,
Meurs, et va-t’en, tout de ce pas,
Haranguer les soeurs filandières* :
Mes enfants trouveront assez d’autres repas. »

Il tint parole. Et pour ma fable

Voici le sens moral qui peut y convenir :
La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir :
La vieillesse est impitoyable.
 

Jean de La Fontaine, Fables, Livre XII, 5

 
* Les soeurs filandières : les Parques. Dans la mythologie romaine, les trois déesses Clotho, Lachésis, Atropos président à la destinée des hommes en filant, en dévidant et en coupant le fil de la vie.

Source : La Fontaine, Œuvres complètes, L’Intégrale/Seuil, 1965