Le vieux chat et la jeune souris
Crut fléchir un vieux Chat, implorant sa clémence,
Et payant de raisons le Raminagrobis :
« Laissez-moi vivre : une souris
De ma taille et de ma dépense
Est-elle à charge en ce logis ?
L’hôte et l’hôtesse, et tout leur monde ?
D’un grain de blé je me nourris :
Une noix me rend toute ronde.
À présent je suis maigre ; attendez quelque temps :
Réservez ce repas à messieurs vos enfants. »
L’autre lui dit : « Tu t’es trompée :
Est-ce à moi que l’on tient de semblables discours ?
Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
Chat, et vieux, pardonner ? cela n’arrive guères.
Selon ces lois, descends là-bas,
Meurs, et va-t’en, tout de ce pas,
Haranguer les soeurs filandières* :
Mes enfants trouveront assez d’autres repas. »
Voici le sens moral qui peut y convenir :
La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir :
La vieillesse est impitoyable.
Jean de La Fontaine, Fables, Livre XII, 5
* Les soeurs filandières : les Parques. Dans la mythologie romaine, les trois déesses Clotho, Lachésis, Atropos président à la destinée des hommes en filant, en dévidant et en coupant le fil de la vie.
Source : La Fontaine, Œuvres complètes, L’Intégrale/Seuil, 1965