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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°34 – Le Loup et les Brebis

Le Loup et les Brebis

Après mille ans et plus de guerre déclarée,

Les Loups firent la paix avecque les Brebis.
C’était apparemment le bien des deux partis ;
Car si les Loups mangeaient mainte bête égarée,
Les Bergers de leur peau se faisaient maints habits.

Jamais de liberté, ni pour les pâturages,

Ni d’autre part pour les carnages :
Ils ne pouvaient jouir qu’en tremblant de leurs biens.
La paix se conclut donc : on donne des otages ;
Les Loups, leurs Louveteaux ; et les Brebis, leurs Chiens.

L’échange en étant fait aux formes ordinaires

Et réglé par des Commissaires,
Au bout de quelque temps que Messieurs les Louvats
Se virent Loups parfaits et friands de tuerie,
lls vous prennent le temps que dans la Bergerie
Messieurs les Bergers n’étaient pas,
Etranglent la moitié des Agneaux les plus gras,
Les emportent aux dents, dans les bois se retirent.

Ils avaient averti leurs gens secrètement.

Les Chiens, qui, sur leur foi, reposaient sûrement,
Furent étranglés en dormant :
Cela fut sitôt fait qu’à peine ils le sentirent.
Tout fut mis en morceaux ; un seul n’en échappa.

Nous pouvons conclure de là

Qu’il faut faire aux méchants guerre continuelle.
La paix est fort bonne de soi,
J’en conviens ; mais de quoi sert-elle
Avec des ennemis sans foi ?

Jean de La Fontaine Livre III, fable 13 

 

Le Loup et les Brebis. J-B Oudry. Source gallica.bnf.fr / BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°33 – Le Loup et la Cigogne

Le Loup et la Cigogne

Le Loup et la Cigogne J-B Oudry. Source gallica.bnf.fr / BnF

Les loups mangent gloutonnement.

Un Loup donc étant de frairie*
Se pressa, dit-on, tellement
Qu’il en pensa perdre la vie :
Un os lui demeura bien avant au gosier.

De bonheur pour ce loup, qui ne pouvait crier,

Près de là passe une Cigogne.
Il lui fait signe ; elle accourt.
Voilà l’opératrice aussitôt en besogne.
Elle retira l’os ; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.

« Votre salaire ? dit le Loup :

Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ? ce n’est pas encor beaucoup
D’avoir de mon gosier retiré votre cou ?
Allez, vous êtes une ingrate :
Ne tombez jamais sous ma patte.»
 

Jean de La Fontaine, Fables, Livre III, fable 9

 
* Frairie : réjouissance, débauche; se dit des animaux qui trouve une proie à partager.

Source : La Fontaine, Œuvres complètes, L’Intégrale/Seuil, 1965