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Louise de la Baume Le Blanc, duchesse de La Vallière, première maîtresse de Louis XIV, est morte le 6 juin 1710.

« C’était une petite violette qui se cachait sous l’herbe, et qui était honteuse d’être maîtresse, d’être mère, d’être duchesse. Jamais il n’y en aura sur ce moule-là » (Mme de Sévigné).

Louise de la Valliere

Jean Nocret, Louise de la Vallière.

Résumé. – En juillet 1661, Louise de La Baume Le Blanc devient, à 17 ans, la maîtresse du roi. Louise est follement éprise de Louis : « elle ne songeait qu’à être aimé du roi et à l’aimer » (Mme de La Fayette). Après la mort de la reine-mère Anne d’Autriche, en 1666, elle devient la maîtresse officielle de Louis XIV. Puis son prestige diminue et, de 1667 à 1674, la jeune femme se voit contrainte de partager son titre de favorite du roi avec Madame de Montespan qui l’a supplantée auprès du roi. Le 3 juin 1674, Louise entre au Carmel de l’Incarnation et devient, l’année suivante, sœur Louise de la Miséricorde. Elle s’éteint le 6 juin 1710 après 35 ans de vie religieuse.

 

 

Une jeunesse heureuse.- Françoise-Louise, appelée Louise, est née à Tours le 6 août 1644 dans une famille de petite noblesse. Elle passe son enfance à Reugny dans la campagne tourangelle où elle reçoit une éducation soignée. Après le décès de son père en 1651, sa mère se remarie avec le premier maître d’hôtel de Gaston d’Orléans. Après avoir passé sa vie à comploter contre son frère Louis XIII et à attiser la fronde contre son neveu Louis XIV, Gaston d’Orléans, s’est installé à Blois dans une retraite-exil. Une petite cour s’est formée autour de son épouse Marguerite de Lorraine et de ses trois filles, Marguerite-Louise d’Orléans, Elisabeth dite Melle d’Alençon, et Françoise-Madeleine dite Melle de Valois. Parmi les demoiselles d’honneur, Louise de La Vallière apprend les bonnes manières et parfait son éducation.

Débuts à la Cour.- Après la mort de Gaston d’Orléans le 2 février 1660, sa veuve est autorisée à revenir à Paris et s’installe au palais du Luxembourg dont la moitié lui appartient. La domesticité suit ; Louise a seize ans. « Elle était aimable et sa beauté avait de grands agréments par l’éclat de la blancheur et de l’incarnat de son teint, par le bleu de ses yeux qui avaient beaucoup de douceur et par la beauté de ses cheveux argentés, qui augmentait celle de son visage » (Mme de Motteville). Quelques mois plus tard, avec l’aide d’une lointaine parente Madame de Choisy, Louise devient fille d’honneur d’Henriette-Anne d’Angleterre – dite Madame – qui vient d’épouser Philippe d’Orléans – dit Monsieur -, frère du roi.

Louis XIV a 22 ans, Henriette et Louise 17 ans chacune. La jeunesse de la cour, les plaisirs, les divertissements et la culture galante du temps forment un terreau favorable aux aventures galantes et aux intrigues amoureuses. « Jamais, je n’avais vu la cour plus belle qu’elle ne parut alors » (Mme de Motteville). Au milieu de cette jeunesse débordante de vitalité, rayonne Louis XIV ; un bien bel homme comme le décrit sa cousine Anne-Marie-Louise d’Orléans, dite la Grande Mademoiselle : « la taille de ce monarque est autant par-dessus celle des autres que sa naissance, aussi bien que sa mine. Il a l’air haut, relevé, hardi, fier et agréable, quelque chose de fort doux et de majestueux dans le visage, les plus beaux cheveux du monde en leur couleur et en leur manière dont ils sont frisés. Les jambes belles, le port beau et bien planté ; enfin, à tout prendre, c’est le plus bel homme et le mieux fait de son royaume et assurément de tous les autres ». Fille d’honneur de Madame, Louise tombe follement amoureuse du roi qu’elle voit chaque jour, mais n’en parle à personne.

Aventures galantes.- Vite lassé de son épouse Marie-Thérèse qui est enceinte, Louis XIV tombe sous le charme de sa belle-sœur Henriette, elle-même peu séduite par Monsieur qui lui préfère ses mignons. A Fontainebleau où la cour s’est installée pour l’été 1661, ce ne sont que bals, concerts, promenades, chasses à courre, baignades dans la Seine. Madame se baigne tous les jours : « Elle partait en carrosse à cause de la chaleur et revenait à cheval, suivie de toutes les dames, habillées galamment, avec mille plumes sur leur tête, accompagnées du roi et de toute la jeunesse de la Cour ; après souper, on montait dans des calèches et au bruit des violons, on allait promener une partie de la nuit autour du canal. […] Bientôt il parut aux yeux de tout le monde qu’ils avaient l’un pour l’autre cet agrément qui précède les grandes passions. Les plaisirs le jour, les repas et les promenades jusqu’à deux ou trois heures après minuit dans les bois commencèrent de s’introduire et de se pratiquer d’une manière qui avait un air plus que galant et où la volupté paraissait devoir corrompre une vertu. » (Mme de La Fayette).

Anne d’Autriche demande à Louis de se modérer : que la galanterie se transforme en adultère, qui plus est avec la femme de son second fils, elle ne peut le tolérer. Henriette propose alors à Louis le stratagème du « chandelier » : il doit faire semblant de courtiser une jeune fille pour détourner ainsi l’attention. On choisit trois jeunes filles parmi lesquelles Louise de La Vallière.

« Enfin, ils résolurent de faire cesser ce grand bruit, […] ils convinrent entre eux que le Roi ferait l’amoureux de quelque autre personne de la Cour. […] Ils jetèrent aussi les yeux sur La Vallière, qui était une fille de Madame, fort jolie, fort douce et fort naïve. La fortune de cette fille était médiocre ; sa mère s’était remariée à Saint-Rémy, premier maître d’hôtel de feu M. le duc d’Orléans ; ainsi elle avait presque toujours été à Orléans et à Blois. Elle se trouvait très heureuse d’être auprès de Madame. Tout le monde la trouvait jolie » (Mme de La Fayette). Mais le stratagème réussit si bien que dès juillet 1661, Louis XIV tombe amoureux de Louise.

Une jeune femme bien charmante. – « Ce n’était pas de ces beautés toutes parfaites qu’on admire souvent sans les aimer. Elle était fort aimable, et ce vers de La Fontaine : « Et la grâce, plus belle encore que la beauté » semble avoir été fait pour elle » (abbé de Choisy). Son regard « vous ravissait » (Primi Visconti) et elle avait un « charme inexprimable » (Madame Palatine).

« Elle a la taille belle et noble et quelque chose de grand dans sa manière de marcher ; elle a dans les yeux une certaine langueur qui est un charme inévitable pour tous ceux qui ont le cœur un peu tendre. Elle a les plus beaux cheveux du monde, et en quantité. Elle a l’esprit doux, le goût bon, aime les livres et en juge bien. Elle est civile, obligeante, libérale et l’on voit de la magnificence dans tout ce qu’elle fait. Elle a de l’égalité dans l’humeur et s’est toujours gouvernée d’une manière qui a donné de l’admiration et de l’amitié pour elle » (Donneau de Visé).

Amours cachés.- « Cependant l’attachement du Roi pour La Vallière augmentait toujours ; il faisait beaucoup de progrès auprès d’elle. Ils gardaient beaucoup de mesures ; il ne la voyait pas chez Madame et dans les promenades du jour ; mais à la promenade du soir, il sortait de la calèche de Madame et s’allait mettre près de celle de La Vallière, dont la portière était abattue ; et comme c’était dans l’obscurité de la nuit, il lui parlait avec beaucoup de commodité » (Mme de La Fayette). “Pour la première fois, Louis XIV goûta le bonheur rare d’être aimé pour lui-même” (Voltaire).

Les deux amants, timides et secrets, s’écrivent des lettres enflammées ou plutôt les font tous deux écrire, sans le savoir, par Dangeau pendant une année jusqu’à ce que Louise mette fin à la supercherie en l’avouant à son amant. Louis et Louise se promettent « qu’ils ne s’endormiront jamais sans se raccommoder et s’écrire s’il survient une fâcherie ». Ils vivent dans la clandestinité, n’ont pas d’intimité. François de Beauvillier, duc de Saint-Aignan, premier gentilhomme de la chambre du roi, propose sa mansarde qui occupe sous les combles. Et un soir, « après avoir dit « ayant pitié de ma faiblesse » elle lui accorda cette ravissante grâce, pour laquelle les plus grands hommes font des vœux et des prières. Jamais fille ne chanta si haut les abois d’une virginité mourante » (cit. Petitfils).

Chasses à Versailles. – Louise est une excellence cavalière. Enfant, à la suite d’une chute de cheval, elle s’est brisée la cheville et de cette époque date sa légère claudication. « Je l’ai vue montant à cru un cheval barbe, sauter debout sur son dos pendant qu’il courait et se rasseoir à plusieurs reprises, en s’aidant seulement d’un cordon de soie passé dans la bouche du cheval » (abbé Sébastien Locatelli). Louise aime beaucoup la chasse et le roi l’emmène fréquemment à Versailles. « Au commencement que le roi fut amoureux de Melle de La Vallière […] Versailles au même état ou à peu près où Louis XIII l’avait mis, qui n’était rien. Le roi y allait une fois ou deux la semaine en très petite compagnie passer une partie de la journée avec Melle de La Vallière et imagina un habit… brodé d’un dessin particulier qu’il donna à une douzaine de ceux à qui il permettait de le suivre dans ces petites promenades particulières à Versailles » (Saint-Simon). « Nous allions souvent à Versailles. Personne n’y pouvait suivre le roi sans son ordre. Cette sorte de distinction intriguait toute la cour » (La Grande Mademoiselle).

« La grande affaire de la Cour ». – Toute la Cour est au courant des amours du roi. Ce ne sont plus que machinations et intrigues, la jalousie des uns s’opposant à l’ambition des autres. Comment le roi peut-il préféré une fille d’honneur de Madame ? Quant aux dévots et parmi eux, la reine-mère Anne d’Autriche, ils sont consternés. « Dieu venge les péchés des nantis » prêche Bossuet. Qu’en est-il de la vertu et du salut de l’âme du roi ? Seule la reine Marie-Thérèse, protégée par la reine-mère Anne d’Autriche et ses suivantes, ne connaît pas le nom de l’heureuse élue. Louise est souvent prise de remord et de honte vis-à-vis d’elle. En octobre 1662, Loret écrit ainsi dans sa Muse historique : « La Cour est en bonne santé,/ Je n’y sache aucun alité,/sinon l’aimable demoiselle/Que de La Vallière on appelle,/ de Madame, fille d’honneur,/ Et qui possède le bonheur/ D’infiniment charmer et plaire / Par son mérite extraordinaire ». Mais son amour reprend vite le dessus et les plaisirs et divertissements avec. En janvier 1663, Louise participe au Ballet des Arts de Bensérade. Le lendemain Loret rapporte dans sa gazette : « L’agréable de La Vallière/ Qui d’une excellente manière/ Et d’un air plus divin qu’humain/ Danse la houlette à la main ; / Puis après, changeant la cadence,/ En amazone, avec la lance,/ Ayant le port et la fierté/ D’une Belle de qualité ». Quand Marie-Thérèse apprend la nouvelle, « le seul changement qu’il [Louis XIV] fit paraître dans sa conduite fut qu’au lieu qu’il disait tous les jours à la reine qu’il venait de chez Madame, il lui avouait librement qu’il avait été ailleurs. Cette sincérité lui donnait le plaisir d’y être plus longtemps et celui de revenir le soir plus tard qu’à l’ordinaire, sans que la reine pût quasi s’en plaindre » (Mme de La Fayette).

Maternité.- Au printemps 1663, Louise est enceinte. L’adultère du roi est une chose, la naissance d’un enfant hors mariage en est une autre. Il faut absolument éviter la colère de la reine et un scandale à la cour. Le roi fait quitter à Louise le service de Madame et l’installe au palais Brion, annexe du Palais-Royal. Né dans la nuit du 18 décembre 1663, l’enfant, prénommé Charles, est emmené par Colbert dans le plus grand secret. Deux ans plus tard, naît dans le même secret, le 7 janvier 1665, un second garçon, prénommé Philippe, emmené lui aussi. Ces deux enfants meurent en bas âge.

Un amour désintéressé, mais possessif. – Louise n’a d’yeux que pour son prince charmant. « Point d’ambition, point de vues ; plus attentive à songer à ce qu’elle aimait qu’à lui plaire ; toute renfermée en elle-même et dans sa passion, qui a été la seule de sa vie … Elle voulait toujours ou voir l’objet de sa passion ou songer à lui sans être distraite par des compagnies indifférentes » (abbé de Choisy). Mais encore faut-il le voir. Sans fonction à la cour, installée au palais Brion, Louise vit seule et se languit dans l’attente des visites de son royal amant jusqu’à ce que Louis XIV lui offre des fêtes extraordinaires et lui crée une place à la Cour.

Les Plaisirs de l’île enchantée.- Ces fêtes organisées du 5 au 14 mai 1664 sont données officiellement en l’honneur des deux reines, la reine-mère Anne d’Autriche et la reine Marie-Thérèse, mais elles célèbrent l’amour de Louis XIV pour Louise. Molière écrit ainsi dans La princesse d’Elide que « vivre sans aimer n’est pas proprement vivre » ou encore « qu’il est certaines faiblesses qui ne sont pas honteuses et qu’il est beau même d’avoir dans les plus hauts degrés de la gloire ». Ces fêtes permettent aussi à la jeune femme de 19 ans, de retrouver la Cour, d’être assise à la table royale avec les filles d’honneurs de Madame lors du souper aux chandelles de la première journée et de bénéficier d’un logement au château. « Tout le monde a entendu parler des merveilles de ces fêtes, des palais devenus jardins, des jardins devenus palais, de la soudaineté avec laquelle on a créé ces magnifiques choses qui rendront les enchantements croyables à l’avenir » (La Fontaine).

La favorite.- Le sens des convenances et les usages de la cour imposent au roi de donner une place à Louise qui devient peu à peu la maîtresse officielle. Louis XIV informe sa mère, Anne d’Autriche, qu’il a demandé aux femmes de qualité de suivre Melle de La Vallière et la prie de ne pas s’y opposer. Désormais, Louise peut vivre à la cour au grand jour grâce à la volonté du roi. « La personne qui jouit plus que toute autre de la faveur du roi est Mlle de La Vallière. Il a eu les prémices de sa virginité. L’attachement de Sa Majesté pour cette demoiselle dure depuis trois ans déjà, sans qu’il y ait le moindre refroidissement » (rapport au Cardinal Falvio Chigi, légat du Saint-Siège). 1665 reste pour Louise l’année du bonheur : chasses, bals et divertissements se succèdent ; Louise rencontre Le Bernin dont elle admire les projets architecturaux. Après la mort d’Anne d’Autriche, le 27 janvier 1666, lors de la messe de huitaine, Louise de La Vallière trône à la tribune à la droite de la reine. Le roi vit désormais avec sa femme et sa favorite.

Fin de règne. – Le 23 mars 1666, le prince de Condé écrit : « on croit que Sa Majesté va bientôt faire Mlle de La Vallière duchesse ; elle le mérite, et on peut pas être plus aimée qu’elle l’est dans la Cour, ne faisant jamais de mal à personne et faisant toujours le bien qu’elle peut ». Enceinte d’un troisième enfant, Louise a perdu de sa fraîcheur : « Elle est maigre, décharnée, les joues cousues, la bouche et les dents laides, le bout du nez gros et le visage fort long » (Olivier Lefèvre d’Ormesson). Le 2 octobre 1666 à Vincennes, elle accouche en secret d’une petite fille prénommée Marie-Anne, confiée à Madame Colbert,  avant de donner le change et de faire le soir même médianoche. « Soyez boiteuse, ayez quinze ans / Pas de gorge, fort peu de sens, / des parents, Dieu le sait. Faites en fille neuve / Dans l’antichambre vos enfants, / sur ma foi vous aurez le premier des amants / Et La Vallière en est la preuve » (épigramme attribuée à Mme de Montespan).  Le roi s’ennuie et devient mélancolique. Louise n’a plus la faveur du roi et se sent délaissée. « 29 avril 1667 : l’on dit qu’elle déchoit beaucoup de sa beauté et qu’elle est fort maigre. Il ne va quasi plus personne chez elle ; elle devient d’une humeur fort altière et, au camp de Houilles, où elle a été fort leste, elle at toujours été fâchée contre le roi de ce qu’il ne l’y a jamais abordée, car Sa Majesté n’y quitte jamais la reine, et l’on croit que, si cette demoiselle continue à être de cette humeur, elle se perdra » (Marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie en France).

Duchesse de La Vallière. – Le 13 mai 1667, Louis XIV achète au nom de Louise le domaine de Vaujours pour sa fille Marie-Anne qui rapporte 100 000 livres de rente et élève sa maîtresse au rang de duchesse de La Vallière. Il légitime sa fille sous le nom de Mlle de Blois. « N’étant pas résolu d’aller à l’armée pour y demeurer éloigné de tous les périls, je crus qu’il était juste d’assurer à cet enfant l’honneur de sa naissance et de donner à la mère un établissement convenable à l’affection que j’avais pour elle depuis six ans ». Et le roi de poursuivre : « Nous avons cru ne pouvoir mieux exprimer dans le public l’estime toute particulière que nous faisons de la personne de notre très chère et bien-aimée et très féale Louise de La Vallière, qu’en lui confiant les plus hauts titres d’honneur qu’une affection très singulière, excitée dans notre cœur par une infinité de rares perfections nous a inspirés depuis quelques années en sa faveur… ».

Désormais Louise a son « tabouret » et siège au cercle de la reine. Mais la jeune femme de 23 ans n’est pas dupe et écrit le 24 mai 1667 : « c’est une coutume parmi les gens raisonnables, aux changements qu’ils font de leurs domestiques, d’en prévenir le congé par le paiement de leurs gages, ou par des reconnaissances de leurs services. J’ai peur qu’il ne m’en arrive de même et que le roi, par son honneur si grand, ne prétende m’apprivoiser à la retraite… ». Le 3 octobre 1667, Louise accouche à Saint-Germain, une fois encore en cachette, d’un dernier enfant, prénommé Louis. Le soir encore, on fait médianoche dans sa chambre.

Une reine, deux favorites. – « J’étais grandement étonné de l’immense foule de gens inutiles que le Roi conduisait avec lui en campagne quand la Reine l’accompagnait ; mais on me répondit que, sans la Reine, les favorites ne pouvaient, sans scandale, accompagner le Roi. Le crédit de la duchesse de La Vallière était alors fort diminué et la marquise de Montespan en pleine faveur. […] Son plus grand charme était une grâce, un esprit et une certaine manière de tourner la plaisanterie qui en vinrent à plaire à La Vallière au point que celle-ci ne pouvait plus rester sans elle ou sans en dire du bien au Roi. En entendre si souvent parler et en si bons termes donna à celui-ci la curiosité de la connaître davantage et ainsi elle fut rapidement préférée à son amie. La Vallière se plaignit du procédé, mais elle ne devait s’en prendre qu’à elle-même de ce qui était arrivé » (Primi Visconti). De 1667 à 1671, les trois femmes du roi se partagent ses faveurs aussi également que l’équité l’exige. La reine d’abord : « Le Roi la traite avec tous les honneurs de sa condition : il mange, dort avec elle, remplit tous ses devoirs de famille, et fait avec la conversation comme s’il n’avait point de maîtresses ». (Primi Visconti). Les deux « sultanes » ensuite : à table, il place l’une à sa droite, l’autre à sa gauche et les fait monter toutes les deux dans son carrosse. En février 1669, tandis que Mme de Montespan enceinte est sur le point d’accoucher, le roi légitime le petit Louis, âgé de deux ans, avec le titre de comte de Vermandois puis quelques mois plus tard, le pourvoit de la charge d’amiral de France. En août 1672, le roi passe dans une somptueuse calèche, entouré des deux dames « en des déshabillés de dorure autant charmants que de prix». « Le roi rend visite aux favorites deux fois par jour, après la messe vers une heure de l’après-midi et le soir à onze heures après le souper ; et il termine toujours la nuit dans le lit de son épouse » (Primi Visconti).

L’heure de la retraite.- Après sans doute une fausse couche en 1670, Louise a une crise mystique. Et le 30 juin 1670, la cour est frappée par la mort brutale à 26 ans d’Henriette d’Angleterre : « Madame se meurt, Madame est morte » (Bossuet). Le 11 février 1671, Louise fuit la cour et demande asile au monastère des dames de la Visitation. Le roi ne l’entend pas ainsi et l’oblige à revenir à la cour. « Pour Mme de La Vallière, nous sommes au désespoir de ne pouvoir vous la ramener à Chaillot ; car elle est à la Cour beaucoup mieux qu’elle n’a été depuis longtemps ; il faut vous résoudre de l’y laisser » écrit le 27 février 1671 Mme de Sévigné à sa fille. Le 6 mars, Saint-Maurice constate « qu’elle ne songe plus au convent ; elle est contente car le roi a plus d’empressement pour elle qu’auparavant ». Mais il se trompe. Louise a bien commencé son chemin spirituel et veut se retirer au couvent. Le roi refuse encore sa retraite.

Une carmélite.- En 1674, Louise entre au Carmel de l’Incarnation, situé rue Saint-Jacques. « La duchesse dont l’étoile d’ailleurs pâlissait, n’aurait pas voulu demander au Roi une épingle, même au plus beau temps de leurs amours, s’estimant déjà trop heureuse de l’avoir pour amant. Bien plus, à ce moment-là, sentant le Roi s’éloigner d’elle, elle résolut de se donner à Dieu et, au mois d’avril, laissant les plaisirs de la Cour pour les plus grandes rigueurs du cloître, elle prit le voile de Carmélite. Ce fut la Reine qui lui donna le voile. Je l’ai vue plusieurs fois : elle était de taille élégante, légèrement boiteuse, brune, maigre, avec un visage gracieux et des yeux dont la douceur vous ravissait, quand elle vous regardait » (Primi Visconti, Mémoires, année 1674).

En visite au carmel quelques années plus tard, Mme de Sévigné la décrit ainsi : « Ce fut à mes yeux tous les charmes que nous avons vus autrefois. Je ne la trouve ni bouffie, ni jaune. Elle est moins maigre et plus contente. Elle a ses mêmes yeux et ses mêmes regards. L’austérité, la mauvaise nourriture et le peu de sommeil ne les ont ni creusés, ni battus ; je n’ai jamais rien vu de plus extraordinaire. Elle a cette même grâce, ce bon air au travers de cet habit étrange. Pour ma modestie, elle n’est pas plus grande que quand elle donnait au monde une princesse de Conti, mais c’est assez pour une carmélite. Elle dit mille honnêtetés […] En vérité, cet habit et cette retraite est une grande dignité pour elle ».

 

 

Sources : Ss la dir. de L. Bély, Dictionnaire du Grand Siècle, Bouquins, 2015. S. Bertière, Les femmes du roi-soleil, Livre de poche, 1998. J.- Chr. Petitfils, Louise de La Vallière, Perrin, coll. tempus, 2011.

Source visuelle : wikimédia.

 

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