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A George Sand

I.
Te voilà revenu, dans mes nuits étoilées,
Bel ange aux yeux d’azur, aux paupières voilées,
Amour, mon bien suprême, et que j’avais perdu!
J’ai cru, pendant trois ans, te vaincre et te maudire,
Et toi, les yeux en pleurs, avec ton doux sourire,
Au chevet de mon lit, te voilà revenu.
 
Eh bien, deux mots de toi m’ont fait le roi du monde,
Mets la main sur mon cœur, sa blessure est profonde;
Élargis-la, bel ange, et qu’il en soit brisé!
Jamais amant aimé, mourant pour sa maîtresse,
N’a sur des yeux plus noirs bu la céleste ivresse,
Nul sur un plus beau front ne t’a jamais baisé!
 
II.
 
Telle de l’Angelus la cloche matinale
Fait dans les carrefours hurler les chiens errants,
Tel ton luth chaste et pur, trempé dans l’eau lustrale,
O George, a fait pousser de hideux aboiements,
Mais, quand les vents sifflaient sur ta muse au front pâle,
Tu n’as pu renouer tes longs cheveux flottants;
Tu savais que Phébé, l’Etoile virginale
Qui soulève les mers, fait baver les serpents.
 
Tu n’as pas répondu, même par un sourire,
A ceux qui s’épuisaient en tourments inconnus,
Pour mettre un peu de fange autour de tes pieds nus.
 
Comme Desdémona, t’inclinant sur ta lyre,
Quand l’orage a passé tu n’as pas écouté,
Et tes grands yeux rêveurs ne s’en sont pas douté!

Alfred de Musset (1810 – 1857)

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