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Minute de lecture – 14 février 2022

Chère lectrice, cher lecteur

En ce jour de Saint-Valentin 2022, voici L’amour tombé des nues de Robert Desnos (1900-1945), une drôle histoire de sorcière toute nue, tombée des nues.

Un samedi du Moyen Âge
Une sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Tomba par terre
Du haut des nuages
Ho ho ho madame la sorcière
Vous voilà tombée par terre
Ho ho ho sur votre derrière
Et les quatre fers en l’air
Vous tombez des nues
Toute nue
Par où êtes vous venue
Sur le trottoir de l’avenue
Vous tombez des nues
Sorcière saugrenue
Vous tombez des nues
Vous tombez des nues
Sur la partie la plus charnue
De votre individu
Vous tombez des nues
On voulait la livrer aux flammes
Cette sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Pour l’ascension
Quel beau programme
Ho ho ho voilà qu’la sorcière
A fait un grand rond par terre
Ho ho ho quel coup de tonnerre
Il tomba dl’eau à flots
Et l’eau tombe des nues
Toute nue
Éteint les flammes tenues
Et rafraîchit la détenue
L’eau tombe des nues
L’eau tombe des nues
Oui mais dans l’avenue
L’eau tombe des nues
Qu’elle était belle la sorcière
Les présidents du châtelet
Les gendarmes et leurs valets
La regardaient
Dans la lumière
… et un éclair qui brille
Et c’est vos yeux qui scintillent
… et votre cœur pétille
Nous sommes sourds d’amour
Et nous tombons des nues
Elle est nue
Oui mais notre âme est chenue
Nous avons de la retenue
Nous tombons des nues
Sorcière saugrenue
Nous tombons des nues
Nous tombons des nues
Qu’on relaxe la prévenue
Elle nous exténue
Nous tombons des nues
Et je…
Mais tombe des nues
Tu tombes des nues
Le monde entier tombe des nues
L’amour tombe des nues
Et vive les femmes nues !
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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°120 – Le petit poisson et le pêcheur

Le petit poisson et le pêcheur

Petit poisson deviendra grand
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c’est folie;
Car de le rattraper il n’est pas trop certain.
Un carpeau qui n’était encore que fretin
Fut pris par un pêcheur au bord d’une rivière.
« Tout fait nombre, dit l’homme, en voyant son butin;
Voilà commencement de chère et de festin;
Mettons-le en notre gibecière.»
Le pauvre carpillon lui dit en sa manière:
«Que ferez-vous de moi? je ne saurais fournir
Au plus qu’une demi-bouchée,
Laissez-moi carpe devenir:
Je serai par vous repêchée.
Quelque gros partisan m’achètera bien cher,
Au lieu qu’il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille
Pour faire un plat. Quel plat? croyez-moi: rien qui vaille,
– Rien qui vaille? Eh bien, soit, repartit le pêcheur;
Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur,
Vous irez dans la poêle; et vous avez beau dire,
Dès ce soir, on vous fera frire.»

Un tien vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras.
L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.

 

Jean de La Fontaine, Fables, Livre VI, 21

 

Source : La Fontaine, Œuvres complètes, L’Intégrale/Seuil, 1965