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Howard Phillips Lovecraft est né le 20 août 1890 à Providence (Rhode Island).

Lovecraft

Lovecraft en 1915.

Résumé.–  Lovecraft est l’un des plus grands auteurs de la littérature fantastique. Sa vision et sa conception du fantastique restent uniques : il a créé une mythologie et une cosmogonie originales – des démons hideux, répugnants, puants : Azathoth, « Maître de Toutes Choses », Nyarlathotep « le chaos rampant », Yog-Sothoth « le Tout-en-Un et le Un-en-Tout » et bien sûr Cthulhu –, un univers propre peuplé de villes imaginaires – Dunwich (Massachussets), Kingsport, Innsmouth – dont l’une, Arkham, abrite l’Université Miskatonic dans laquelle se trouve une bibliothèque extraordinaire possédant des livres interdits dont un exemplaire du mythique Necronomicon. A partir de 1930, Lovecraft écrit à ses correspondants qu’il va s’arrêter d’écrire car il n’a plus rien à dire. Atteint d’un cancer de l’intestin, il meurt le 15 mars 1937.

 

Une jeunesse solitaire. – Orphelin de père à l’âge de 8 ans – son père meurt fou probablement des suites de la syphilis -, élevé par sa mère – qui lui apprend à lire et à écrire – et par ses tantes, Howard Philipps Lovecraft passe une enfance solitaire dans la maison du 598 Angel Street à Providence. Introverti, de constitution fragile, d’une intelligence précoce, d’une nature extrêmement sensible, sans camarade de jeu, le jeune Howard se plonge dans la lecture et se passionne pour les histoires mystérieuses. Fasciné par Edgard Allan Poe, il écrit, dès l’âge de six ans, ses premières histoires où le mystérieux et le surnaturel occupent une place prépondérante. A l’adolescence, il passe ses journées à lire et à vivre dans un autre monde, celui de la science-fiction.

« Journaliste amateur ». – En mars 1914, Lovecraft découvre le monde des écrivains amateurs qui se lisent entre eux et se publient dans des journaux auto-édités. Il rencontre Paul W. Cook qui lui demande une nouvelle fantastique pour son journal The Vagrant. Entre 1917 et 1936, Lovecraft écrit cent-quatre contes ou nouvelles, principalement publiées dans la revue Weird Tales, des milliers de lettres et consacre une grande partie de son temps à corriger et à améliorer les textes des clients et amis moyennant une faible rémunération. Par-delà le mur du sommeil, L’image dans la maison déserte, Les rats dans les murs …, les « mythes de Cthulhu » ou encore les Fungi de Yuggoth : aucune de ces œuvres n’a été éditée en librairie ou commercialisée du vivant de Lovecraft.

Difficile réalité. – L’homme n’est pas heureux ; il hait le monde qui l’entoure. « Il est plus important de savoir ce que l’on hait que de savoir ce que l’on aime ». Raciste, antisémite, il n’aime pas davantage les êtres humains. « Il est bon d’être un cynique – meilleur d’être un chat satisfait – mais le mieux de tout est encore de ne pas être du tout ». Seuls les chats qui le fascinent trouvent grâce à ses yeux, contrairement aux chiens qu’il déteste (Cats and dogs). Le mieux reste l’oubli : « Il n’y a rien de mieux que l’oubli, car dans l’oubli, il ne peut pas y avoir de désirs non réalisés. C’est l’état dans lequel nous nous trouvions avant de naître, et nous ne nous en plaignions pas. Alors, comme nous savons que nous allons retourner à cet état, pourquoi nous lamenter ? C’est en tout cas pour moi un Elysée bien suffisant ».

La part du rêve, l’œuvre des cauchemars. – « Il ne se passe jamais rien ! C’est peut-être pourquoi mon imagination s’échappe et explore des mondes étranges et terribles… Je vis mon quotidien dans une espèce de léthargie dédaigneuse, sans vertus et sans vices. Je ne fais pas partie du monde, j’en suis le spectateur amusé et parfois dégoûté. Je déteste le genre humain, ses faux-semblants et sa grossièreté ; pour moi la vie fait partie des beaux-arts […] bien que je considère que l’univers est un chaos automatique et vide de sens, dénué de valeurs élevées ». Ses rêves et ses cauchemars tourmentés occupent une place fondamentale dans l’œuvre de Lovecraft. Entre le monde vécu et l’imaginaire, la limite est de plus en plus ténue.

« Boston n’a jamais eu de plus grand peintre que Richard Upton Pickman. Je l’ai dit tout de suite, je le dis encore, et je ne suis jamais revenu sur mon jugement, même lorsqu’il eut exposé son Repas du vampire. […] Voyez-vous, il faut beaucoup d’art et beaucoup de compréhension de la nature pour faire des trucs comme ceux de Pickman. Le premier barbouilleur de magazine venu peut flanquer de la peinture au hasard, comme un sauvage, et appeler ça « Cauchemar » ou « Sabbat de sorcières » ou « Portrait du Diable », mais seul un grand peintre peut faire faire quelque chose d’effrayant et qui ait l’air vrai. […] Je n’ai pas besoin de vous dire pourquoi un Fuseli vous donne vraiment le frisson, alors que les illustrations d’une méchante histoire de fantômes vous font simplement rire. Un homme comme ça est capable de saisir quelque chose au-delà de la vie et de nous le faire sentir, l’espace d’une seconde. Doré avait ce don-là ; Sime l’a ; Angarola de Chicago l’a ; et Pickman l’a eu comme nul avant lui ne l’a jamais eu et comme (le ciel m’entende) nul ne l’aura jamais plus. […] » (Le modèle de Pickman).

Fantastique cosmogonie. – Comme l’explique Lovecraft lui-même, « Tous mes contes, si hétérogènes les uns par rapport aux autres qu’ils puissent être, se basent sur une croyance légendaire fondamentale qui est que notre monde fut à un moment habité par d’autres races qui, parce qu’elles pratiquaient la magie noire, furent déchues de leur pouvoirs et expulsées, mais vivent toujours à l’extérieur, toujours prêtes à reprendre possession de cette terre ». « Dans les temps historiques, toutes les tentatives pour franchir les vides interdits semblent compliquées par de singulières et terribles alliances avec des êtres et des messages venus d’ailleurs » (La Maison de la sorcière). Au fond des mers et dans les entrailles de la terre, les Grands Anciens – Azathoth, Yog-Sothoth, Chtulhu – attendent leur heure et rêvent. « Ils étaient tous morts bien avant l’arrivée des hommes mais certaines pratiques magiques pourraient les faire revivre quand les étoiles occuperaient à nouveau une position propice dans le cycle de l’éternité. […] Dans sa demeure de R’lyeh, la ville morte, Cthulhu attend et rêve » (L’Appel de Cthulhu). Cette éventualité menaçante n’a-t-elle pas été prévue, dès 760 par l’Arabe fou, Abdul Alhazred, dans son livre maudit – le Necronomicon – ?

“N’est pas mort ce qui à jamais dort / Et au long des siècles peut mourir même la mort.”

Le Necronomicon. – « Titre original : Al Azif. […] Composé par Abdul Alhazred, poète dément de Sanaan, au Yémen qui vécut, dit-on, sous le règne des califes Ommeyades, vers 700 après J.-C. […] [Il] s’établit à Damas, où il écrivit le Necronomicon (Al Azif). Sa mort (ou sa disparition définitive) en 738 après J.-C. a donné lieu à bien des récits horribles et contradictoires. Selon Ebn Khallikan, biographe du XIIe siècle, il fut dévoré en plein jour par un monstre invisible, devant une foule de spectateurs terrifiés.[…] Quoique diffusé sous le manteau, l’Azif était déjà bien connu des philosophes de l’époque quand Théodore Philétas, de Constantinople, le traduisit secrètement en grec (950) sous le titre de Necronomicon. […] En 1228, Olaus Wormius en donna une traduction latine, imprimée à deux reprises – une première fois au XVe siècle (en caractères gothiques et, de toute évidence, en Allemagne), puis au XVIIe siècle, vraisemblablement en Espagne. […] La traduction grecque – imprimée en Italie en 1500 et 1550 – a été signalée pour la dernière fois en 1692, lorsqu’on brûla la bibliothèque d’un certain citoyen de Salem. Une version anglaise, due au Dr. Dee, est toujours restée à l’état de manuscrit, dont il ne subsiste que des fragments. On sait que le British Museum conserve sous clé un exemplaire de l’édition du XVe siècle ; la Bibliothèque nationale de Paris, la Widener Library d’Harvard, les bibliothèques de la Miskatonic University d’Arkham et de l’université de Buenos Aires possèdent chacune l’édition espagnole du XVIIe siècle. Sans doute en circule-t-il clandestinement bien d’autres […]. Des allusions beaucoup plus vagues laissent entendre que les Pickman, de Salem, se transmettaient la version grecque imprimée au XVIe siècle ; mais si c’est exact, elle a disparu en 1926, en même temps que le peintre R.U. Pickman… » (Histoire du Necromicon par Lovecraft).

Un faux vrai. – « Vous avez eu de la chance de trouver des exemplaires de l’infernal et abhorré Necronomicon. S’agit-il de la version latine imprimée en Allemagne au XVe siècle, de l’édition en grec publiée en Italie en 1567, ou encore de la traduction en espagnol, qui date de 1623 ? A moins qu’il ne s’agisse de versions différentes ? Pour ma part, je suis obligé de me contenter de l’exemplaire qui se trouve sous clé dans la bibliothèque de la Miskatonic University à Arkham. Quel malheur que le texte original en arabe ait été perdu ! » (lettre de Lovecraft à J. Blish et W. Miller, 13 mai 1936).

Un vrai faux. – « A propos du Necronomicon, juste ciel ! j’étais persuadé que vous saviez qu’il s’agissait d’un ouvrage purement imaginaire ! ».  « Oui, il est bien triste que ces ouvrages maudits et infernaux n’existent que dans la bibliothèque de la Miskatonic University ou dans des endroits du même genre, et j’aimerais vraiment que quelqu’un de compétent trouve le temps de les écrire ». « Faire du Necronomicon quelque chose qui existe réellement, j’aimerais sincèrement avoir suffisamment de temps et d’imagination pour participer à une telle entreprise … ». « La seule chose envisageable – et il se peut que je m’y attaque un de ces jours – est de « traduire » certains passages de l’ouvrage de l’Arabe fou… […] Par contre, je suis opposé à l’idée de monter un véritable [souligné par nous] canular qui ne ferait que semer la confusion et gênerait l’étude sérieuse du folklore. Je me sens un peu coupable à chaque fois que j’apprends que quelqu’un a perdu son temps à chercher un exemplaire du Necronomicon dans les bibliothèques publiques » (Extraits de lettres de Lovecraft des 19 mai et 3 juin 1936).

 

Sources : Lovecraft, Coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, 3 tomes. Site : www.hplovecraft.com

Photo: wikicommon.

 

 

 

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