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Journal de Bat – 20 octobre 2017

Ceci est mon Journal,
commencé dans la nuit du 20 août 2017

20 août 2017. Seule dans la nuit. …

20 octobre 2017. Le Grand-Duc est revenu. Je dormais paisiblement quand j’ai soudain entendu marcher sur le toit. Un pas lent et lourd. J’ai regardé par la lucarne et je l’ai vu ; il avançait vers moi et m’a tendu une nouvelle plume.

Il me faut écrire. Le Grand-Duc. Bubo bubo de son nom scientifique. Un flash : je me souviens. Autrefois, il y a bien longtemps, la chouette était le symbole de la déesse Athéna. Je me revois devant toi, Athéna Parthénos, magnifique monumentale statue chryséléphantine – faite d’or et d’ivoire – attribuée au sculpteur grec Phidias. A l’époque, déesse tutélaire de la cité d’Athènes – d’où le nom de la ville – tu étais installée dans une salle du Parthénon sur l’Acropole. J’aimais beaucoup ta statue. En la regardant fixement, je pouvais te rendre vivante. Alors, la tête de la gorgone Méduse et les serpents qui étaient représentés sur l’égide – une sorte de cuirasse -, les sphinge, griffons et chevaux ailés – des monstres comme disent les humains – prenaient vie et entamaient une sarabande endiablée l’espace d’un instant. Pouvoir de la magie ! Que j’aimais ce temps-là.

Que reste-t-il de toi aujourd’hui, ma chère déesse Athéna ? Quelques statues au Louvre : l’Athéna dite Pallas de Velletri, l’Athéna Mattei ou encore l’Athéna dite « Minerve Ingres », réplique romaine inspirée des créations de Phidias. Rien de plus.

Il me faut écrire. Bubo – la chouette en latin -, mon amie. Un flash : je me souviens. Tu as toujours été un oiseau de mauvais augure chez les auteurs anciens : Ovide, Sénèque, Dion Cassius … A cette époque, ton apparition ou ton cri s’accompagnait souvent de la manifestation de phénomènes extraordinaires – des présages comme disaient les humains -. Tu annonçais la mort, paraît-il. Croyance populaire humaine ! Mais ces pauvres mortels t’attribuent tout autant un rôle apotropaïque – qui conjugue le mauvais sort, qui vise à détourner les influences maléfiques -. Curieux comme face à certains pouvoirs, les humains ont toujours été désemparés.

Il me faut écrire. Il n’en est rien. Nous savons bien toutes les deux que ta présence annonce tout autre chose. Comme moi, tu hantes les tombeaux ; plus souvent que moi tu te tiens sur les tombes dans les cimetières. Mais je ne suis jamais loin, la nuit venue. Que j’aime tes grands yeux, ton regard fixe et pénétrant qui perce les ténèbres. Et oui ! Nous faisons toutes deux partie du monde de la nuit, des nyctalopes – ceux qui voient dans l’obscurité et dans la nuit – comme les rats et les chats.

Le Grand-Duc me regarde fixement. Il sait. Soudain, il écarte ses ailes et repart dans la nuit. Le clocher de Saint-Médard se découpe dans la nuit. Je regarde autour de moi : Pompona est si belle, roulée en boule, lourdement endormie. Elle sait que je veille. Le Rat est parti. Difficile de le retenir, la nuit venue. Il me faut tout noter. Si j’oublie, je pourrai relire ce que j’ai écrit et reprendre au commencement.

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Journal de Bat

Ceci est mon Journal,
commencé dans la nuit du 20 août 2017

Seule dans la  nuit. A cette heure, le calme règne sur la rue Mouffetard.  Le Grand-Duc apparaît à la fenêtre et me tend une plume que je saisis d’une main fébrile.  Aussitôt, la feuille blanche posée devant moi se transforme en vieux parchemin et la plume se met à écrire : Journal de Bat la sorcière philosophe.

Il me faut écrire. En souhaitant rendre hommage à Lovecraft pour la date anniversaire de sa naissance, je crains que nous ayons, Le Rat, Pompona et moi, réveillé les Grands Anciens ou du moins les vieux démons. Le Rat a raison : Pompona me rappelle tellement les Précieuses. Elle ne voit la magie et l’occultisme que par le prisme de la littérature ; tout la divertit. Dans un des vieux grimoires bien rangés dans les combles, elle a trouvé une formule pour transformer la couleur des chats et veut absolument que j’essaye sur elle.

Un rat, une chatte, une sorcière : une trilogie parfaite pour restituer l’atmosphère si particulière de l’époque médiévale. Un rat et une chatte qui parlent,  meilleurs amis du monde  : J’ai bien senti que les vieux grimoires de magie noire frémissaient d’intérêt sur les étagères. Qu’avons-nous fait?

Il me faut écrire. J’ai fait des rêves peuplés de créatures étranges flottant dans les airs. Qui sont-elles? Je ne les ai pas reconnues. Le sommeil de la raison engendre les monstres. Il me faut tout noter. Si j’oublie, je pourrai relire ce que j’ai écrit et reprendre au commencement.

Saurais-je encore pratiquer la magie ?