Le Loup, la Chèvre et le Chevreau
Et paître l’herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet :
« Gardez-vous, sur votre vie,
D’ouvrir que l’on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet :
Foin du loup et de sa race ! »
Le loup de fortune passe ;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La bique, comme on peut croire,
N’avait pas vu le glouton.
Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton,
Et d’une voix papelarde
Il demande qu’on ouvre en disant: « Foin du loup ! »
Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
« Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point, »
S’écria-t-il d’abord. (Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il était venu s’en retourna chez soi.
Où serait le biquet s’il eût ajouté foi
Au mot du guet, que de fortune
Notre loup avait entendu ?