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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°109 – Le soleil et les grenouilles

Le soleil et les grenouilles

Le soleil et les grenouilles

Le soleil et les grenouilles. J.-B. Oudry. Source: Gallica.Bnf.fr/BnF

Aux noces d’un tyran tout le peuple en liesse

Noyait son souci dans les pots.
Ésope seul trouvait que les gens étaient sots
De témoigner de tant d’allégresse.
“Le soleil, disait-il, eut dessein autrefois
De songer à l’hyménée.
Aussitôt on ouït d’une commune voix
Se plaindre de leur destinée
Les citoyennes des étangs.
“Que ferons-nous s’il lui vient des enfants?
Dirent-elles au Sort, un seul soleil à peine
Se peut souffrir. Une demi-douzaine
Mettra la mer à sec, et tous ses habitants.
Adieu joncs et marais: notre race est détruite.
Bientôt on la verra réduite
A l’eau du Styx.” Pour un pauvre animal,
Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.
 
 
 
 

Jean de La Fontaine Livre II, fable 4

“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°108 – Les grenouilles qui demandent un roi

Les grenouilles qui demandent un roi

Les grenouilles, se lassant

De l’état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique;
Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S’alla cacher sous les eaux,
Dans les joncs, dans les roseaux,
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu’elles croyaient être un géant nouveau;
Or c’était un soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de le voir s’aventurant,
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant.
Une autre la suivit, une autre en fit autant,
Il en vint une fourmilière;
Et leur trope à la fin se rendit familière
Jusqu’à sauter sur l’épaule du roi.
Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi.

Jupin en a bientôt la cervelle rompue.

“Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui remue.”
Le monarque des dieux leur envoie une grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir.
Et grenouilles de se plaindre;
Et Jupin de leur dire : “Et quoi! votre désir
A ses lois croit-il nous astreindre?
Vous avez dû premièrement
Garder votre gouvernement;
Mais, ne l’ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fût débonnaire et doux:
De celui-ci contentez-vous,
De peur d’en rencontrer un pire.”

Jean de La Fontaine Livre III, fable 4

Les grenouilles qui demandent un roi

Les grenouilles qui demandent un roi. J.-B. Oudry. Source: Gallica.bnf.fr/BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°107 – Les deux taureaux et une grenouille

Les deux taureaux et une grenouille

Les deux taureaux et une grenouille

Les deux taureaux et une grenouille. J.-B. Oudry. Source : Gallica.bnf.fr/BnF

Deux taureaux combattaient à qui posséderait

Une génisse avec l’empire.
Une grenouille en soupirait.
“Qu’avez-vous? se mit à lui dire
Quelqu’un du peuple croassant.
– Et ne voyez-vous pas, dit-elle,
Que la fin de cette querelle
Sera l’exil de l’un; que l’autre, le chassant,
Le fera renoncer aux campagnes fleuries?
Il ne régnera plus sur l’herbe des prairies,
Viendra dans nos marais régner sur les roseaux,
Et, nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
Tantôt l’une, et puis l’autre, il faudra qu’on pâtisse
Du combat qu’a causé madame la génisse.”
Cette crainte était de bon sens.
L’un des taureaux en leur demeure
S’alla cacher à leurs dépens :
IL en écrasait vingt par heure.
Hélas! on voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises des grands.

 
 

Jean de La Fontaine Livre II, fable 4

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°99 – La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf

La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf

Une grenouille vit un boeuf

Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : “Regardez bien, ma sœur;
Est-ce assez? dites-moi. N’y suis-je point encore?
– Nenni. – M’y voici donc? – Point du tout. – M’y voilà?
Vous n’en approchez point.” La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages:

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs;
Tout petit prince a des ambassadeurs;
Tout marquis veut avoir des pages.

Jean de La Fontaine Livre I, fable 3

La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf

La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf. J.-B. Oudry Source : gallica.bnf.fr/BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°97 – Le lièvre et les grenouilles

Le lièvre et les grenouilles

Un lièvre en son gîte songeait

(Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe?);
Dans un profond ennui ce lièvre se plongeait:
Cet animal est triste, et la crainte le ronge.

“Les gens de naturel peureux

Sont, disait-il, bien malheureux;
Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite.
Jamais un plaisir pur, toujours assauts divers.
Voilà comme je vis; cette crainte maudite
M’empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle,
Et la peur se corrige-t-elle?
Je crois même qu’en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi.”

Ainsi raisonnait notre lièvre,

Et cependant faisait le guet.
Il était douteux, inquiet:
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.
Le mélancolique animal,
En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit: ce lui fut un signal
Pour s’enfuir devers sa tanière.

Il s’en alla passer sur le bord d’un étang.

Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
“Oh! dit-il, j’en fais faire autant
Qu’on m’en fait faire! Ma présence
Effraye aussi les gens, je mets l’alarme au camp!
Comment! des animaux qui tremblent devant moi!
Je suis donc un foudre de guerre?
Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.”

Jean de La Fontaine Livre II, fable 14

Le lièvre et les grenouilles

Le lièvre et les grenouilles. J.-B. Oudry. Source : Gallica.bnf.fr/BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°12 – La grenouille et le rat

La grenouille et le rat

Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui,

Qui souvent s’engeigne soi-même.
J’ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd’hui :
Il m’a toujours semblé d’une énergie extrême.
Mais afin d’en venir au dessein que j’ai pris,
Un rat plein d’embonpoint, gras, et des mieux nourris,
Et qui ne connaissait l’Avent ni le Carême,
Sur le bord d’un marais égayait ses esprits.

Une Grenouille approche, et lui dit en sa langue :

Venez me voir chez moi, je vous ferai festin.
Messire Rat promit soudain :
Il n’était pas besoin de plus longue harangue.
Elle allégua pourtant les délices du bain,
La curiosité, le plaisir du voyage,
Cent raretés à voir le long du marécage :
Un jour il conterait à ses petits-enfants
Les beautés de ces lieux, les moeurs des habitants,
Et le gouvernement de la chose publique
Aquatique.

Un point sans plus tenait le galand empêché :

Il nageait quelque peu ; mais il fallait de l’aide.
La Grenouille à cela trouve un très bon remède :
Le Rat fut à son pied par la patte attaché ;
Un brinc de jonc en fit l’affaire.
Dans le marais entrés, notre bonne commère
S’efforce de tirer son hôte au fond de l’eau,
Contre le droit des gens, contre la foi jurée ;
Prétend qu’elle en fera gorge-chaude et curée ;
(C’était, à son avis, un excellent morceau).

Déjà dans son esprit la galande le croque.

Il atteste les Dieux ; la perfide s’en moque.
Il résiste ; elle tire. En ce combat nouveau,
Un Milan qui dans l’air planait, faisait la ronde,
Voit d’en haut le pauvret se débattant sur l’onde.
Il fond dessus, l’enlève, et, par même moyen
La Grenouille et le lien.
Tout en fut ; tant et si bien,
Que de cette double proie
L’oiseau se donne au coeur joie,
Ayant de cette façon
A souper chair et poisson.

Jean de La Fontaine, Livre IV, 11

La grenouille et le rat. G. Doré Source gallica .bnf.fr/BnF