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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°74 – Le Renard et la Cigogne

Le Renard et la Cigogne

Compère le Renard se mit un jour en frais,

Et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fut petit, et sans beaucoup d’apprêts ;
Le galant pour toute besogne
Avait un brouet clair (il vivait chichement.)
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La Cigogne au long bec n’en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
À quelque temps de là la Cigogne le prie :
Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie.

À l’heure dite il courut au logis

De la Cigogne son hôtesse,
Loua très fort la politesse,
Trouva le dîner cuit à point.
Bon appétit sur tout ; Renards n’en manquent point.
Il se réjouissait à l’odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.
On servit pour l’embarrasser
En un vase à long col, et d’étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer,
Mais le museau du Sire était d’autre mesure.

Il lui fallut à jeun retourner au logis ;

Honteux comme un Renard qu’une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris,
Attendez-vous à la pareille.

Jean de La Fontaine Livre I, fable 18

Le renard et la cigogne. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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Les flâneries de Soracha – n° 8 : Les ruines de l’abbaye du Lys à Dammarie les Lys

Sur les traces de Saint-Louis et de Blanche de Castille

Promenade romantique

Bat, Le Rat et Pompona vous invitent à découvrir les ruines de l’abbaye cistercienne du Lys, située à Dammarie-les-Lys, près de Melun, à la lisière de la forêt de Fontainebleau.

Abbaye du Lys

Ruines de l’abbaye du Lys à Dammarie-les-Lys. © soracha

Nombreuses sont les ruines d’abbayes en Île-de-France, lieux de magnifiques promenades que Bat, Le Rat et Pompona vous invitent à découvrir.

Durant tout le Moyen Age, les monastères et les abbayes se multiplient en Occident. Ils sont tous régis par des règles de vie, fondées sur l’obéissance au chef de la communauté et à une discipline de vie ordonnée autour de la prière et du travail.

Proposée par Benoît de Nursie, fondateur du monastère du Mont-Cassin en 529, la règle de Saint-Benoît répartit harmonieusement le travail manuel, le travail intellectuel, dans l’emploi du temps des moines. L’ordre bénédictin connaît ainsi un grand essor et s’impose dans le monde occidental.

Abbé du Languedoc au IXe siècle, Benoît d’Aniane poursuit l’expansion de l’ordre bénédictin. Deux réformes donnent ensuite naissance à deux nouvelles branches :

  • l’ordre des Clunisiens, installés à Cluny en Bourgogne à la fin du Xe siècle, dont l’abbaye va devenir au cours des siècles suivants un immense empire monastique, indépendant et tentaculaire, disparu à la Révolution ;
  • l’ordre des Cisterciens au XIIe siècle, sous l’autorité de Bernard de Clairvaux (1090-1153), fondateur de l’abbaye éponyme, située en Champagne – qui reproche à l’ordre de Cluny un manque d’ascétisme dans sa conduite, dans l’art et dans la liturgie et prône un éloignement du monde.

« Les murs de l’église resplendissent, mais les pauvres souffrent […] Ses pierres sont couvertes d’or, mais ses enfants sont nus […] Que viennent faire dans vos cloîtres où les religieux s’adonnent aux saintes lectures, ces monstres grotesques, ces extraordinaires beauté difformes et ces belles difformités ? Si toutes ces inepties ne provoquent pas la honte, du moins devrait-on reculer devant la dépense ! » (Apologie adressée en 1124 par Bernard de Clairvaux à Guillaume, abbé de Saint-Thierry, près de Reims).

Au XIIIe siècle, trois grandes abbayes cisterciennes, richement dotées par le roi Louis IX – Saint-Louis -, ou par sa mère Blanche de Castille, protectrice de l’ordre des cisterciens, sont construites en Île-de-France : Royaumont, située près d’Asnières-sur-Oise, fondée en 1228 en exécution du testament de Louis VIII, père de Saint-Louis, Maubuisson située près de Pontoise, créée en 1236 – où Blanche de Castille est ensevelie à sa mort en 1252 – et l’abbaye du Lys bâtie de 1244 à 1248.

Dès 1248, des moniales venues de l’abbaye de femmes de Maubuisson s’installent dans l’abbaye du Lys. Parmi elles, Alix de Vienne, entrée dans les ordres après le décès de son époux et parente de Blanche de Castille, devient la première abbesse de l’abbaye jusqu’à sa mort en 1260. D’importantes donations sont faites à cette abbaye cistercienne de femmes qui devient très prospère. En 1251, la reine Blanche constitue « à ses chères filles du Lys » des rentes sur la prévôté d’Etampes – enregistrées sur une charte de Louis IX datée du camp de Césarée. En 1253, le cœur de Blanche de Castille y est déposé. Et quelques années plus tard, Philippe IV le Bel donne au trésor de l’abbaye le cilice de Saint-Louis – partagé en trois, il est aujourd’hui conservé dans l’église Saint-Aspais de Melun, dans la cathédrale de Meaux et une petite partie a été donnée à l’église paroissiale de Dammarie – ainsi que deux os d’un bras du roi et la cassette ornée d’émaux fleurdelysés dans laquelle le roi enfermait ses aumônes – dite « cassette de Saint-Louis” aujourd’hui conservée au Musée du Louvre -.

 

ruines de l'abbaye du Lys

Ogives et fenêtres. © LeRat/Soracha

ruines de l'abbaye du Lys

Pilier du choeur. © LeRat/Soracha

Détruite au XIVe siècle, l’abbaye est reconstruite en 1644 par l’abbesse Marguerite-Marie de La Trémoille. Les reliques attirent alors les pèlerins de fort loin. On raconte qu’en visite à l’abbaye, la reine Christine de Suède aurait demandé aux religieuses : « avec des vœux, pourquoi des grilles et avec des grilles, pourquoi des vœux ? » Vendue en 1792, devenue dépôt de boeufs, l’abbaye est démolie en 1796.

De nos jours, il faut faire preuve d’imagination pour rebâtir cette abbaye prospère et faire revivre la vie des moniales dont la journée était rythmée par les activités spirituelles et liturgiques.

Il ne reste plus aujourd’hui qu’une partie du chœur de l’église, le transept saillant et deux chapelles … ainsi qu’une plaque tombale avec une fleur de lys.

Pierre tombale à l'abbaye du Lys

Pierre tombale avec fleur de lys. ©Le Rat/Soracha.

Ruines de l'abbaye du Lys

Transept. ©Le Rat/Soracha

Havre de paix au cœur d’un agréable parc, ces magnifiques ruines invitent à la mélancolie ou à la méditation.

Ruines de l'abbaye du Lys

Ruines de l’abbaye du Lys. ©Le Rat/Soracha

Sources : J. Berlioz, Moines et religieux au Moyen Age, Points Histoire; ss. la dir. de J.-M. Pérouse de Montclos, Guide du patrimoine, Hachette; Guide de l’Île-de-France mystérieuse, Guides noirs, Tchou éditeur; G. Pillement, Les environs de Paris inconnus.

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°73 – Le Corbeau et le Renard

 Le Corbeau et le Renard

Maître Corbeau, sur un arbre perché,

Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. »

A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;,

Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s’en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

Jean de La Fontaine Livre I, fable 2

Le corbeau et le renard. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°72 – Le fermier, le Chien et le Renard

Le fermier, le Chien et le Renard

Le Loup et le Renard sont d’étranges voisins :

Je ne bâtirai point autour de leur demeure.
Ce dernier guettait à toute heure
Les poules d’un Fermier ; et quoique des plus fins,
Il n’avait pu donner d’atteinte à la volaille.
D’une part l’appétit, de l’autre le danger,
N’étaient pas au compère un embarras léger.
Hé quoi, dit-il, cette canaille,
Se moque impunément de moi ?

Je vais, je viens, je me travaille,

J’imagine cent tours ; le rustre, en paix chez-soi,
Vous fait argent de tout, convertit en monnaie,
Ses chapons, sa poulaille ; il en a même au croc :
Et moi maître passé, quand j’attrape un vieux coq,
Je suis au comble de la joie !
Pourquoi sire Jupin m’a-t-il donc appelé
Au métier de Renard ? Je jure les puissances
De l’Olympe et du Styx, il en sera parlé.

Roulant en son cœur ces vengeances,

Il choisit une nuit libérale en pavots :
Chacun était plongé dans un profond repos ;
Le Maître du logis, les valets, le chien même,
Poules, poulets, chapons, tout dormait. Le Fermier,
Laissant ouvert son poulailler,
Commit une sottise extrême.
Le voleur tourne tant qu’il entre au lieu guetté ;
Le dépeuple, remplit de meurtres la cité :

Les marques de sa cruauté,

Parurent avec l’Aube : on vit un étalage
De corps sanglants, et de carnage.
Peu s’en fallut que le Soleil
Ne rebroussât d’horreur vers le manoir liquide.
Tel, et d’un spectacle pareil,
Apollon irrité contre le fier Atride
Joncha son camp de morts : on vit presque détruit
L’ost des Grecs, et ce fut l’ouvrage d’une nuit.

Tel encore autour de sa tente

Ajax à l’âme impatiente,
De moutons, et de boucs fit un vaste débris,
Croyant tuer en eux son concurrent Ulysse,
Et les auteurs de l’injustice
Par qui l’autre emporta le prix.
Le Renard autre Ajax aux volailles funeste,
Emporte ce qu’il peut, laisse étendu le reste.
Le Maître ne trouva de recours qu’à crier
Contre ses gens, son chien, c’est l’ordinaire usage.

Ah maudit animal qui n’es bon qu’à noyer,

Que n’avertissais-tu dès l’abord du carnage ?
Que ne l’évitiez-vous ? c’eût été plus tôt fait.
Si vous Maître et Fermier à qui touche le fait,
Dormez sans avoir soin que la porte soit close,
Voulez-vous que moi chien qui n’ai rien à la chose,
Sans aucun intérêt je perde le repos ?
Ce Chien parlait très-à propos :

Son raisonnement pouvait être

Fort bon dans la bouche d’un Maître ;
Mais n’étant que d’un simple chien,
On trouva qu’il ne valait rien.
On vous sangla le pauvre drille.
Toi donc, qui que tu sois, ô père de famille,
(Et je ne t’ai jamais envié cet honneur,)
T’attendre aux yeux d’autrui, quand tu dors, c’est erreur.
Couche-toi le dernier, et vois fermer ta porte.
Que si quelque affaire t’importe,
Ne la fais point par procureur.

Jean de La Fontaine Livre XI, fable 3

Le fermier le chien et le renard. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°71 – Le Chien à qui on a coupé les oreilles

Le Chien à qui on a coupé les oreilles

« Qu’ai-je fait pour me voir ainsi

Mutilé par mon propre Maître ?
Le bel état où me voici !
Devant les autres chiens oserai-je paraître ?
Ô rois des animaux, ou plutôt leurs tyrans,
Qui vous ferait choses pareilles ? »
Ainsi criait Mouflar, jeune dogue ; et les gens
Peu touchés de ses cris douloureux et perçants,
Venaient de lui couper sans pitié les oreilles.

Mouflar y croyait perdre. Il vit avec le temps

Qu’il y gagnait beaucoup ; car étant de nature
À piller ses pareils, mainte mésaventure
L’aurait fait retourner chez lui
Avec cette partie en cent lieues altérée :
Chien hargneux a toujours l’oreille déchirée.
Le moins qu’on peut laisser de prise aux dents d’autrui,
C’est le mieux. Quand on n’a qu’un endroit à défendre,
On le munit, de peur d’esclandre.

Témoin maître Mouflar armé d’un gorgerin,

Du reste ayant d’oreille autant que sur ma main ;
Un loup n’eût su par où le prendre.

 

Jean de La Fontaine Livre X, fable 8

Le chien à qui on a coupé les deux oreilles. G. Doré Source gallica .bnf.fr/BnF

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Théophile Gautier – “Le merle”

“Le merle” Théophile Gautier 

Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d’espoir,
Sur les herbes, de givre blanches,
En bottes jaunes, en frac noir.

C’est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L’hymne d’avril en février.

Pourtant il vente, il pleut à verse ;
L’Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perse,
Tient tous ses hôtes près du feu.

Les monts sur l’épaule ont l’hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d’hiver se prolongeant.

Lustrant son aile qu’il essuie,
L’oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.

Il gronde l’aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.

Il voit le jour derrière l’ombre,
Tel un croyant, dans le saint lieu,
L’autel désert, sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.

A la nature il se confie,
Car son instinct pressent la loi.
Qui rit de ta philosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !

Théophile Gautier 1811 – 1872

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°70 – Les deux Chiens et l’Âne mort

Les deux Chiens et l’Âne mort

Les vertus devraient être soeurs,
Ainsi que les vices sont frères.
Dès que l’un de ceux-ci s’empare de nos coeurs,
Tous viennent à la file ; il ne s’en manque guères :
J’entends de ceux qui, n’étant pas contraires,
Peuvent loger sous même toit.
À l’égard des vertus, rarement on les voit
Toutes en un sujet éminemment placées
Se tenir par la main sans être dispersées.

L’un est vaillant, mais prompt ; l’autre est prudent, mais froid.
Parmi les animaux, le Chien se pique d’être
Soigneux et fidèle à son maître ;
Mais il est sot, il est gourmand :
Témoin ces deux mâtins qui, dans l’éloignement,
Virent un Âne mort qui flottait sur les ondes.
Le vent de plus en plus l’éloignait de nos Chiens.

« Ami, dit l’un, tes yeux sont meilleurs que les miens :
Porte un peu tes regards sur ces plaines profondes ;
J’y crois voir quelque chose. Est-ce un boeuf, un cheval ?
– Eh ! qu’importe quel animal ?Dit l’un de ces mâtins ; voilà toujours curée.
Le point est de l’avoir ; car le trajet est grand ;
Et de plus il nous faut nager contre le vent.

Buvons toute cette eau ; notre gorge altérée
En viendra bien à bout : ce corps demeurera
Bientôt à sec, et ce sera
Provision pour la semaine. »
Voilà mes Chiens à boire ; ils perdirent l’haleine,
Et puis la vie ; ils firent tant
Qu’on les vit crever à l’instant.
L’homme est ainsi bâti : quand un sujet l’enflamme,
L’impossibilité disparaît à son âme.

Combien fait-il de voeux, combien perd-il de pas,
S’outrant pour acquérir des biens ou de la gloire !
Si j’arrondissais mes états !
Si je pouvais remplir mes coffres de ducats !
Si j’apprenais l’hébreu, les sciences, l’histoire !
Tout cela, c’est la mer à boire ;
Mais rien à l’homme ne suffit.
Pour fournir aux projets que forme un seul esprit,
Il faudrait quatre corps ; encore, loin d’y suffire,
À mi-chemin je crois que tous demeureraient :
Quatre Mathusalems bout à bout ne pourraient
Mettre à fin ce qu’un seul désire.

Jean de La Fontaine Livre VIII, fable 25

les deux chiens et l’âne mort. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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Les flâneries de Soracha – n°7 : Hommage à Eugène Viollet-le-Duc

A la recherche d’Eugène Viollet-le-Duc.

En hommage à Eugène Viollet-le-Duc né le 27 janvier 1814, Bat, Le Rat et Pompona sont partis sur les traces de l’architecte à travers Paris.

immeuble "Delécluze"

Immeuble “Delécluze”. © LeRat/Soracha

immeuble "Delécluze"

Immeuble “Delécluze”. © LeRat/Soracha

Première étape : 1, rue Chabanais. C’est en effet dans l’appartement du 2e étage de cet immeuble situé à l’angle de la rue Chabanais et de la rue des petits-champs qu’Eugène Viollet le Duc est né le 27 janvier 1814 à 21 heures.

Emmanuel Viollet le Duc a épousé Eugénie Delécluze le 18 janvier 1810 et le couple s’est installé dans cet immeuble construit par le père d’Eugénie, l’architecte Jean-Baptiste Delécluze, décédé le 27 janvier 1806. L’immeuble “Delécluze” abrite toute la famille : aux 5e et 4e étages vit, dans son “donjon” comme il le nomme, le frère d’Eugénie: Etienne Délécluze, peintre et journaliste; au 3e étage, la soeur : Sophie et son mari Antoine Clérambourg, fonctionnaire au Ministère des Finances. Le 1er étage est occupé par la veuve et son second mari, Louis Foin. Le jeune Eugène passe là sa petite enfance avec son frère, Adolphe, né le 7 novembre 1817.

En septembre 1825, il est inscrit à la pension Morin, située à Fontenay-aux-Roses, puis revient à Paris au Collège Bourbon – le lycée Condorcet aujourd’hui – où il décroche son baccalauréat à 16 ans et demi.

Deuxième étape : l’Ecole des Beaux-Arts. Excellent dessinateur et marqué par le De Architectura de Vitruve, Eugène choisit de devenir architecte. Il fait d’abord un stage chez un ami de la famille, l’architecte Jean-Jacques Huvé, puis travaille dans l’atelier de l’architecte Achille Leclère, premier prix de Rome, élu à l’Académie des beaux-arts en 1831. Mais il refuse catégoriquement d’entrer à l’Ecole des beaux-arts: “l’école est un moule à architectes; ils en sortent presque tous semblables” écrit-il dans son journal. Il préfère se former en voyageant à travers la France, d’abord avec son oncle Etienne au cours de l’année 1831, puis avec son ami Emile Millet de mai à septembre 1833. De 1836 à 1837, il effectue le “voyage en Italie” selon la tradition artistique, accompagné de Jean Gaucherel, puis de sa femme, Elisabeth.

Sainte-Chapelle

La Sainte-Chapelle. © LeRat/Soracha

Troisième étape : la Sainte-Chapelle. Depuis avril 1834, Prosper Mérimée, ami intime de la famille, est inspecteur général des Monuments historiques; il a pour mission de classer les édifices et d’y entreprendre des travaux de conservation, voire de rénovation si nécessaire. En novembre 1837, Mérimée devient secrétaire de la Commission des Monuments historiques qui vient d’être créée et envoie l’année suivante Viollet-le-Duc – qui se fait désormais appelé ainsi et a ajouté des tirets à son nom – en mission en Bourgogne et dans le sud de la France, lui confie la restauration de la cathédrale Saint-Just de Narbonne puis la restauration de Vézelay en 1840. Le 4 novembre 1840, Viollet-le-Duc est nommé deuxième inspecteur à l’agence des travaux de la Sainte-Chapelle. Viollet-le-Duc enchaîne les missions d’expertises et d’intervention, devient chef de bureau des Monuments historiques en 1846. Bourreau de travail, il participe à la restauration de quantité de monuments jusqu’à sa mort le 17 septembre 1879.

Quatrième étape : Notre-Dame de Paris. Viollet-le-Duc est passionné par la période médiévale. En 1843, il dépose avec l’architecte Lassus un projet au concours de restauration de Notre-Dame. En 1845, Lassus et Viollet-le-Duc sont choisis. Alors que les deux architectes avaient insisté sur la nécessité de conserver l’édifice par des “restaurations prudentes”, Lassus et Viollet-le-Duc vont de plus en plus inventer au fur et à mesure de l’avancée des travaux. Après le décès de Lassus en 1857, Viollet-le-Duc invente la Galerie des Chimères et son célèbre Stryge, pour retrouver l’esprit du XIIIe siècle. Il ajoute également la flèche et la statuaire qui l’accompagne qui n’a jamais existé précédemment.
Restaurer ou reconstruire?

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°69 – L’éducation

L’éducation

Laridon et César, frères dont l’origine

Venait de chiens fameux, beaux, bien faits et hardis,
A deux maîtres divers échus au temps jadis,
Hantaient, l’un les forêts, et l’autre la cuisine.
Ils avaient eu d’abord chacun un autre nom ;
Mais la diverse nourriture
Fortifiant en l’un cette heureuse nature,
En l’autre l’altérant, un certain marmiton
Nomma celui-ci Laridon :

Son frère, ayant couru mainte haute aventure,

Mis maint Cerf aux abois, maint Sanglier abattu,
Fut le premier César que la gent chienne ait eu.
On eut soin d’empêcher qu’une indigne maîtresse
Ne fit en ses enfants dégénérer son sang :
Laridon négligé témoignait sa tendresse
A l’objet le premier passant.
Il peupla tout de son engeance :

Tournebroches par lui rendus communs en France

Y font un corps à part, gens fuyants les hasards,
Peuple antipode des Césars.
On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père :
Le peu de soin, le temps, tout fait qu’on dégénère :
Faute de cultiver la nature et ses dons,
O combien de Césars deviendront Laridons !

Jean de La Fontaine Livre VIII, fable 24

L’éducation. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°68 – L’Âne et le Chien

L’Âne et le Chien

Il se faut entraider, c’est la loi de nature.

L’Âne un jour pourtant s’en moqua :
Et ne sais comme il y manqua ;
Car il est bonne créature.
Il allait par pays, accompagné du Chien,
Gravement, sans songer à rien ;
Tous deux suivis d’un commun maître.
Ce maître s’endormit. L’Âne se mit à paître :
Il était alors dans un pré
Dont l’herbe était fort à son gré.

Point de chardons pourtant ; il s’en passa pour l’heure :

Il ne faut pas toujours être si délicat ;
Et, faute de servir ce plat,
Rarement un festin demeure.
Notre baudet s’en sut enfin
Passer pour cette fois. Le Chien, mourant de faim
Lui dit : « Cher compagnon, baisse-toi, je te prie :
Je prendrai mon dîner dans le panier au pain. »
Point de réponse, mot ; le roussin d’Arcadie
Craignit qu’en perdant un moment,
Il ne perdît un coup de dent.

Il fit longtemps la sourde oreille :

Enfin il répondit : « Ami, je te conseille
D’attendre que ton maître ait fini son sommeil ;
Car il te donnera sans faute, à son réveil,
Ta portion accoutumée :
Il ne saurait tarder beaucoup. »
Sur ces entrefaites un Loup
Sort du bois, et s’en vient : autre bête affamée.

L’Âne appelle aussitôt le Chien à son secours.

Le Chien ne bouge, et dit : « Ami, je te conseille
De fuir en attendant que ton maître s’éveille ;
Il ne saurait tarder : détale vite, et cours.
Que si ce Loup t’atteint, casse-lui la mâchoire :
On t’a ferré de neuf ; et, si tu veux m’en croire,
Tu l’étendras tout plat. » Pendant ce beau discours,
Seigneur Loup étrangla le Baudet sans remède.
Je conclus qu’il faut qu’on s’entraide.

Jean de La Fontaine Livre VIII, fable 17