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Paul Verlaine – “En septembre”

“En septembre” de Paul Verlaine

Parmi la chaleur accablante
Dont nous torréfia l’été,
Voici se glisser, encor lente
Et timide, à la vérité,

Sur les eaux et parmi les feuilles,
Jusque dans ta rue, ô Paris,
La rue aride où tu t’endeuilles
De tels parfums jamais taris,

Pantin, Aubervilliers, prodige
De la Chimie et de ses jeux,
Voici venir la brise, dis-je,
La brise aux sursauts courageux…

La brise purificatrice
Des langueurs morbides d’antan,
La brise revendicatrice
Qui dit à la peste : va-t’en !

Et qui gourmande la paresse
Du poète et de l’ouvrier,
Qui les encourage et les presse…
« Vive la brise ! » il faut crier :

 « Vive la brise, enfin, d’automne
Après tous ces simouns d’enfer,
La bonne brise qui nous donne
Ce sain premier frisson d’hiver ! »

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Journal de Bat

Ceci est mon Journal,
commencé dans la nuit du 20 août 2017

Seule dans la  nuit. A cette heure, le calme règne sur la rue Mouffetard.  Le Grand-Duc apparaît à la fenêtre et me tend une plume que je saisis d’une main fébrile.  Aussitôt, la feuille blanche posée devant moi se transforme en vieux parchemin et la plume se met à écrire : Journal de Bat la sorcière philosophe.

Il me faut écrire. En souhaitant rendre hommage à Lovecraft pour la date anniversaire de sa naissance, je crains que nous ayons, Le Rat, Pompona et moi, réveillé les Grands Anciens ou du moins les vieux démons. Le Rat a raison : Pompona me rappelle tellement les Précieuses. Elle ne voit la magie et l’occultisme que par le prisme de la littérature ; tout la divertit. Dans un des vieux grimoires bien rangés dans les combles, elle a trouvé une formule pour transformer la couleur des chats et veut absolument que j’essaye sur elle.

Un rat, une chatte, une sorcière : une trilogie parfaite pour restituer l’atmosphère si particulière de l’époque médiévale. Un rat et une chatte qui parlent,  meilleurs amis du monde  : J’ai bien senti que les vieux grimoires de magie noire frémissaient d’intérêt sur les étagères. Qu’avons-nous fait?

Il me faut écrire. J’ai fait des rêves peuplés de créatures étranges flottant dans les airs. Qui sont-elles? Je ne les ai pas reconnues. Le sommeil de la raison engendre les monstres. Il me faut tout noter. Si j’oublie, je pourrai relire ce que j’ai écrit et reprendre au commencement.

Saurais-je encore pratiquer la magie ?

 

 

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H.-P. Lovecraft – “Août”

“Août” de Howard Philipps Lovecraft

 

Viens, mois riche et doux, dont les charmes épanouis

Sur les prés et les bois répandent leur grâce ;

Dont l’ardeur réchauffe toutes les vallées,

Et réjouis le front reconnaissant de la montagne.

 

Le blé qui ondule là-bas dans le champ,

Comblé, possède ton chaleureux rayon,

Tandis que les plaines de trèfle en adoration exhalent

Le libre encens du foin frais coupé.

 

Le ciel revêt un bleu plus ravissant ;

Le soleil chevauche fièrement le signe de la Vierge ;

L’alouette à l’aube chante plus suavement ;

Le ruisseau étincelle d’un cristal plus pur,

 

Le bosquet fleuri avec une profusion tropicale,

Et l’été règne en souverain ;

Précieux est le don des heures matinales

Bien qu’à présent chacune soit à son apogée.

 

Aux jeunes poètes je laisse le printemps ;

Le divin juin aux amants qui soupirent

Mais au milieu de joies plus mûres je voudrais vivre,

Et je choisis pour miens les jours d’août !

 

Traduit de l’américain par Simone Lamblin

Lovecraft, t. 2, Bouquins, Robert Laffont, p. 988

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Charles Leconte de Lisle – “Juin”

“Juin” de Charles Leconte de Lisle

Les prés ont une odeur d’herbe verte et mouillée,
Un frais soleil pénètre en l’épaisseur des bois,
Toute chose étincelle, et la jeune feuillée
Et les nids palpitants s’éveillent à la fois.

Les cours d’eau diligents aux pentes des collines
Ruissellent, clairs et gais, sur la mousse et le thym ;
Ils chantent au milieu des buissons d’aubépines
Avec le vent rieur et l’oiseau du matin.

Les gazons sont tout pleins de voix harmonieuses,
L’aube fait un tapis de perles aux sentiers,
Et l’abeille, quittant les prochaines yeuses,
Suspend son aile d’or aux pâles églantiers.

Sous les saules ployants la vache lente et belle
Paît dans l’herbe abondante au bord des tièdes eaux ;
La joug n’a point encor courbé son cou rebelle,
Une rose vapeur emplit ses blonds naseaux.

Et par delà le fleuve aux deux rives fleuries
Qui vers l’horizon bleu coule à travers les prés,
Le taureau mugissant, roi fougueux des prairies,
Hume l’air qui l’enivre, et bat ses flancs pourprés.

La Terre rit, confuse, à la vierge pareille
Qui d’un premier baiser frémit languissamment,
Et son oeil est humide et sa joue est vermeille,
Et son âme a senti les lèvres de l’amant.

O rougeur, volupté de la Terre ravie !
Frissonnements des bois, souffles mystérieux !
Parfumez bien le coeur qui va goûter la vie,
Trempez-le dans la paix et la fraîcheur des cieux !

Assez tôt, tout baignés de larmes printanières,
Par essaims éperdus ses songes envolés
Iront brûler leur aile aux ardentes lumières
Des étés sans ombrage et des désirs troublés.

Alors inclinez-lui vos coupes de rosée,
O fleurs de son Printemps, Aube de ses beaux jours !
Et verse un flot de pourpre en son âme épuisée,
Soleil, divin Soleil de ses jeunes amours !

Charles Leconte de l’Isle,

 

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“Premier mai” de Victor Hugo

“Premier mai” de Victor Hugo

Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.
Je ne suis pas en train de parler d’autres choses.
Premier mai ! l’amour gai, triste, brûlant, jaloux,
Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;
L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit une devise,
La redit pour son compte et croit qu’il l’improvise ;
Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,
Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ;
L’atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine
Des déclarations qu’au Printemps fait la plaine,
Et que l’herbe amoureuse adresse au ciel charmant.
A chaque pas du jour dans le bleu firmament,
La campagne éperdue, et toujours plus éprise,
Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise
Envoie au renouveau ses baisers odorants ;
Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,
Dont l’haleine s’envole en murmurant : « Je t’aime ! »
Sur le ravin, l’étang, le pré, le sillon même,
Font des taches partout de toutes les couleurs ;
Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;
Comme si ses soupirs et ses tendres missives
Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives,
Et tous les billets doux de son amour bavard,
Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !
Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,
Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ;
Tout semble confier à l’ombre un doux secret ;
Tout aime, et tout l’avoue à voix basse ; on dirait
Qu’au nord, au sud brûlant, au couchant, à l’aurore,
La haie en fleur, le lierre et la source sonore,
Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,
Répètent un quatrain fait par les quatre vents.

Saint-Germain, 1er mai 1838.

Victor Hugo Les contemplations

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“Avril” de Gérard de Nerval

“Avril” de Gérard de Nerval                      

Déjà les beaux jours, – la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ; –
Et rien de vert : – à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
– Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,

Comme une nymphe fraîche éclose                                                                                                                                             Qui, souriante, sort de l’eau.

Gérard de Nerval Odelettes (1853).

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N° Spécial – Inauguration de l’année Soracha

“Grand Divertissement” chez Muses, Tourisme & Culture

Hier soir, mardi 28 février 2017, il y avait  « Grand Divertissement » chez Muses, Tourisme & Culture pour l’inauguration de l’année Soracha.

Drôle de date. – Je n’avais pas compris pourquoi l’année Soracha commençait un 28 février, dernier jour du mois. Certes, je savais que c’était l’anniversaire des trois conteurs de culture de Muses, Tourisme & Culture, mais c’était quand même une drôle de date.

Étranges explications. – Bat la Sorcière m’avait évoqué l’alignement des planètes avec un sourire énigmatique ; Le Rat m’avait répondu « qui vivra, verra ». Seule Pompona la Chatte m’avait doctement expliqué que c’était le seul jour de l’année possible pour ce “Grand Divertissement”.

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Le Chat Botté de Charles Perrault

Pour fêter la naissance de Charles Perrault, le 12 janvier 1628, relisez le conte merveilleux du Chat Botté.

Monument Charles Perrault, Jardin des Tuileries. ©Le Rat/Soracha

Un meunier ne laissa pour tous biens à trois enfants qu’il avait, que son Moulin, son Ane, et son Chat. Les partages furent bientôt faits, ni le Notaire, ni le Procureur, n’y furent point appelés. Ils auraient eu bientôt mangé tout le pauvre patrimoine. L’aîné eut le Moulin, le second eut l’Ane, et le plus jeune n’eut que le Chat.

Ce dernier ne pouvait se consoler d’avoir un si pauvre lot : « Mes frères, disait-il, pourraient gagner leur vie honnêtement en se mettant ensemble ; pour moi, lorsque j’aurai mangé mon chat, et que je me serai fait un manchon de sa peau, il faudra que je meure de faim ». Le Chat qui entendait ce discours, mais qui n’en fit pas semblant, lui dit d’un air posé et sérieux : « Ne vous affligez point, mon maître, vous n’avez qu’à me donner un Sac, et me faire faire une paire de Bottes pour aller dans les broussailles et vous verrez que vous n’êtes pas si mal partagé que vous croyez ».

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