Le lièvre et les grenouilles
(Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe?);
Dans un profond ennui ce lièvre se plongeait:
Cet animal est triste, et la crainte le ronge.
Sont, disait-il, bien malheureux;
Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite.
Jamais un plaisir pur, toujours assauts divers.
Voilà comme je vis; cette crainte maudite
M’empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle,
Et la peur se corrige-t-elle?
Je crois même qu’en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi.”
Et cependant faisait le guet.
Il était douteux, inquiet:
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.
Le mélancolique animal,
En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit: ce lui fut un signal
Pour s’enfuir devers sa tanière.
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
“Oh! dit-il, j’en fais faire autant
Qu’on m’en fait faire! Ma présence
Effraye aussi les gens, je mets l’alarme au camp!
Comment! des animaux qui tremblent devant moi!
Je suis donc un foudre de guerre?
Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.”