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Joachim du Bellay – “Heureux qui, comme Ulysse”

“Heureux qui, comme Ulysse”  Joachim du Bellay

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la douceur angevine.

Joachim Du Bellay 1522 – 1560

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Gazette de Soracha n°9 – Henriette-Anne d’Angleterre

En hommage à Henriette-Anne d’Angleterre, Madame, duchesse d’Orléans, née le 26 juin 1644 et morte le 30 juin 1670.

« Rien ne paraissait plus digne d’être aimée que Madame. Peut-être eût-elle voulu l’être du roi dont les regards, les soins, l’attention, le goût de la tendresse…» (Mme de La Fayette).

Henriette Marie d'Angleterre

Beaubrun, Henriette-Anne d’Angleterre, duchesse d’Orléans.

Enfance. – Née le 26 juin 1644 à Exeter, Henriette est abandonnée à sa gouvernante par sa mère, Henriette-Marie de France. Mariée à Charles Ier d’Angleterre, la fille d’Henri IV fuit en effet la révolution et se réfugie en France, auprès de sa belle-sœur, Anne d’Autriche. Deux ans plus tard, grâce à sa gouvernante, la petite Henriette arrive à son tour à Paris et s’appelle désormais Henriette-Anne en hommage à sa tante, la régente.

Les deux princesses ont un appartement au Louvre. Puis Henriette passe son enfance sur la colline de Chaillot, au couvent des Visitandines où sa mère fait construire une chapelle par l’architecte Mansart, où elle reçoit l’éducation des princesses : lettres, arts, musique, danse. Comme sa mère, Henriette-Anne est catholique, alors que son père et son frère aîné sont protestants. Peu religieuse, la petite fille, appelée « Minette » par ses proches, s’ennuie.

Jeunesse. – Après la fronde, Anne d’Autriche, très soucieuse des usages, invite les deux princesses aux fêtes et bals donnés à la cour. En 1653, Henriette est invitée au festin royal offert par Mazarin ; c’est sa première apparition à la cour. En 1654, elle assiste au sacre de son cousin à Reims. Les années suivantes, elle danse dans différents ballets, au côté du jeune roi. Louis XIV apprécie peu sa cousine, de six ans sa cadette, une « petite fille » qu’il juge maigrichonne, que sa mère lui impose comme cavalière pour ouvrir le bal, rang oblige. En 1656, quand Louis ouvre le bal avec Henriette, Anne-Marie d’Orléans s’étouffe tandis que son cousin Philippe, frère du roi, s’écrit : « nous avons bien à faire que ces gens-là, à qui nous donnons du pain, viennent passer devant nous ».

Prédiction réalisée. – Louis dit un jour à Philippe, son frère : « Vous épouserez la princesse d’Angleterre parce que personne n’en veut. M. de Savoie l’a refusée. J’en ai fait parler à M. de Florence, où l’on en veut point : c’est pourquoi je conclus que vous l’aurez ! ».

Certes. Mais en 1660, Charles est monté sur le trône d’Angleterre sous le nom de Charles II et sa jeune sœur est devenue un parti intéressant. Du statut de cousine pauvre, Henriette passe à celui de fiancée courtisée. Louis continue à taquiner son frère sur la maigreur de sa future épouse : « vous voulez épouser les os du cimetière des Innocents ». Mais Philippe n’en a cure ; il épouse la sœur du roi d’Angleterre et ses passions amoureuses sont masculines :

« Monsieur alla au-devant d’elle avec tous les empressements imaginables et continua jusqu’à son mariage à lui rendre des devoirs auxquels il ne manquait que l’amour : mais le miracle d’enflammer le cœur de ce prince n’était réservé à aucune femme du monde. » (Mme de La Fayette).

31 mars 1661. – Le mariage de Philippe d’Orléans et d’Henriette-Anne d’Angleterre est célébré, en plein carême, dans la chapelle du Palais-Royal. La cour porte le deuil de Mazarin, mort le 9 mars. La nuit de noces est reportée pour des raisons physiologiques ; Philippe est contrarié.

Monsieur reçoit pour demeure de ville le Palais-Royal et possède déjà le château de Saint-Cloud comme demeure des champs. Il reçoit pour apanage les duchés d’Orléans, de Valois et de Chartres, avec Montargis. En épousant Philippe d’Orléans, Henriette-Anne d’Angleterre devient Madame, duchesse d’Orléans, la troisième dame du royaume après la reine-mère Anne d’Autriche et la reine Marie-Thérèse, que Louis XIV a épousée le 9 juin 1660.

Une princesse au charme ravageur. -Henriette a 17 ans ; ce n’est plus une petite fille. Sa jeunesse, sa coquetterie, son esprit vont faire fureur à la cour.

« Il n’y eut personne qui ne fût surpris de son agrément, de sa civilité et de son esprit. Comme la Reine sa mère la tenait fort près de sa personne, on ne la voyait jamais que chez elle, où elle ne parlait quasi point. Ce fut une nouvelle découverte de lui trouver l’esprit aussi aimable que tout le reste. On ne parlait que d’elle, et tout le monde s’empressait à lui donner des louanges » (Mme de La Fayette).

« Jamais la France n’a vu une princesse plus aimable que Henriette d’Angleterre, que Monsieur épousa ; elle avait les yeux noirs, vifs, et pleins du feu contagieux que les hommes ne sauraient fixement observer sans en ressentir l’effet : ses yeux paraissaient eux-mêmes atteints du désir de ceux qui les regardaient. Jamais princesse ne fut si touchante ni n’eut autant qu’elle l’air de vouloir bien que l’on fût charmé du plaisir de la voir. Toute sa personne était ornée de charmes ; l’on s’intéressait à elle et on l’aimait, sans penser que l’on pût faire autrement. Quand quelqu’un la regardait et qu’elle s’en apercevait, il n’était pas possible de ne pas croire que ce fût à celui qui la voyait qu’elle voulait uniquement plaire. Elle avait tout l’esprit qu’il faut pour être charmante et tout celui qu’il faut pour les affaires importantes si les conjonctures de le faire valoir se fussent présentées et qu’il eût été question pour lors à la cour d’autre chose que de plaire. Le roi était aimable, jeune, galant, magnifique ; le goût de Monsieur n’était pas tout à fait tourné du côté des femmes …. » (abbé de Cosnac, Mémoires).

« Madame avait l’esprit solide et délicat, du bon sens, connaissant les choses fines, l’âme grande et juste. Elle mêlait, dans toute sa conversation, une douceur qu’on ne trouvait point dans toutes les autres personnes royales ; ce n’est pas qu’elle eût moins de majesté, mais elle en savait user d’une manière plus facile plus touchante ; de sorte qu’avec tant de qualités toutes divines, elle ne laissait pas d’être la plus humaine du monde. On eût dit qu’elle s’appropriait les cœurs…
Son teint blanc est uni au-delà de toute expression, sa taille médiocre mais fine ; on eût dit, qu’aussi bien que son âme, son esprit animait tout son corpos. Elle en avait jusqu’aux pieds et dansait mieux que femme du monde » (abbé de Cosnac, Mémoires).

« La princesse d’Angleterre était assez grande ; elle avait bonne grâce et sa taille, qui n’était pas sans défaut, ne paraissait pas alors aussi gâtée qu’elle l’était en effet. Sa beauté n’était pas des plus parfaites ; mais toute sa personne, quoiqu’elle ne fut pas bien faite, était néanmoins, par ses manières et par ses agréments, tout à fait aimable. Elle avait le teint fort délicat et fort blanc ; il était mêlé d’incarnat naturel, comparable à la rose et au jasmin … sa bouche était vermeille, et ses dents avaient toute la blancheur et la finesse qu’on leur pouvait souhaiter ; mais son visage trop long et sa maigreur semblaient menacer sa beauté d’une prompte fin. Elle s’habillait et se coiffer d’un air qui convenait à toute sa personne et, comme elle avait en elle de quoi se faire aimer, on pouvait croire qu’elle y devait sûrement réussir, et qu’elle ne serait pas fâchée de plaire … et trouver de la gloire dans le monde par les charmes et par la beauté de son esprit. On voyait déjà en elle beaucoup de lumière et de raison, et au travers de sa jeunesse, qui, jusqu’alors l’avait comme cachée au public, il était aisé de juger que, lorsqu’elle se verrait sur le théâtre de la cour de France, elle y jouerait l’un des principaux rôles » (Mme de Motteville).

Une cour jeune, avide de plaisirs. – Louis XIV a 22 ans tout comme Marie-Thérèse qui attend son premier enfant, Philippe en a 20, Henriette 17. Les dames d’honneur, jeunes aussi, sont toutes des « fleurs de jardin ». « Jamais je n’avais vu la cour plus belle qu’elle ne parut alors » (Mme de Motteville). « Le roi était aimable, jeune, galant, magnifique » (abbé de Cosnac).
En avril, le roi et la reine partent s’installer à Fontainebleau. La cour y prend ses quartiers d’été.

« On se réjouit bien et beau,
Maintenant dans Fontainebleau,
A tout chagrin, on fait la moue,
On court, on rit, on danse, on joue.
On cause au bord des claires-eaux,
On y fait concerts et cadeaux,
L’on s’y promène, l’on y chasse. »
(Loret, La Muse historique, 7 mai 1661).

Monsieur et Madame demeurent quelques temps à Paris. « Monsieur et sa chère Princesse,/ goûtent à gogo, l’allégresse,/ et les passe-temps infinis,/ des cœurs nouvellement unis » écrit Loret dans La Muse historique du 14 mai 1661. Est-ce si sûr ? Monsieur dit un jour à sa cousine, la Grande Mademoiselle, « je n’ai aimé ma femme que quinze jours ».

Henriette, couverte de bijoux par son époux, est la femme la plus élégante de la cour. Elle choisit ses dames d’honneur : parmi elles, une certaine Mlle de Tonnay-Charente – future Madame de Montespan – et Madame de La Fayette. La vie est exquise en sa compagnie.

« Ce fut alors que toute la France se trouva chez elle ; tous les hommes ne pensaient qu’à lui faire leur cour, et toutes les femmes qu’à lui plaire.
[…] Toutes ces dames passaient les après-dînées chez Madame. Elles avaient l’honneur de la suivre au Cours ; au retour de la promenade, on soupait chez Monsieur ; après le souper, tous les hommes de la Cour s’y rendaient et on passait le soir parmi les plaisirs de la comédie, du jeu et des violons. Enfin, on s’y divertissait avec tout l’agrément imaginable et sans nul mélange de chagrin. » (Mme de La Fayette).

Un été merveilleusement galant.- Monsieur et Madame rejoignent la cour à Fontainebleau. Henriette est au cœur des plaisirs, baignades et autres divertissements. Louis porte un autre regard sur Henriette, devenue une jeune femme fort séduisante et fort séduite par son beau-frère.

« Monsieur et Madame s’en allèrent à Fontainebleau. Madame y porta la joie et les plaisirs. Le Roi connut, en la voyant de plus près, combien il avait été injuste en ne la trouvant pas la plus belle personne du monde. Il s’attacha fort à elle et lui témoigna une complaisance extrême. Elle disposait de toutes les parties de divertissement ; elles se faisaient toutes pour elle, et il paraissait que le Roi n’y avait de plaisir que par celui qu’elle en recevait. C’était dans le milieu de l’été : Madame s’allait baigner tous les jours ; elle partait en carrosse, à cause de la chaleur, et revenait à cheval suivie de toutes les dames habillées galamment, avec mille plumes sur leur tête, accompagnées du Roi et de la jeunesse de la Cour ; après souper, on montait dans des calèches et, au bruit des violons, on s’allait promener une partie de la nuit autour du canal » (Mme de La Fayette).

Les plaisirs le jour, les repas et les promenades le soir et la nuit venue, tout est propice à la galanterie et à la volupté. Louis et Henriette tombent-ils amoureux l’un de l’autre ?

« L’attachement que le Roi avait pour Madame commença bientôt à faire du bruit et à être interprété diversement ».
[…] Je crois qu’elle lui plut d’une autre manière ; je crois aussi qu’elle pensa qu’il ne lui plaisait que comme un beau-frère, quoiqu’il lui plût peut-être davantage ; mais enfin, comme ils étaient tous deux infiniment aimables et tous deux nés avec des dispositions galantes, qu’ils se voyaient tous les jours, au milieu des plaisirs et des divertissements, il parut aux yeux de tout le monde qu’ils avaient l’un pour l’autre cet agrément qui précède les grandes passions.
[…] Cependant le Roi et Madame, sans s’expliquer entre eux de qu’ils sentaient l’un pour l’autre continuèrent de vivre d’une manière qui ne laissait douter à personne qu’il n’y eût entre eux plus que de l’amitié. » (Mme de La Fayette).

Et « pendant ce temps, « le Chevalier de Lorraine fait comme on peint les anges, se donne à Monsieur et devient bientôt le favori, le maître » nous enseigne l’abbé de Cosnac.

L’invitation de Fouquet – Monsieur, Madame et Henriette de France assistent, le 11 mai 1661, à Vaux-le-Vicomte à L’Ecole des maris de Molière, « pièce nouvelle et fort prisée » qui « charme à présent le tout Paris », présentée par la « troupe de Monsieur ». Fouquet a donné quantité de « régales », mêlés de « concerts et de mélodies » nous raconte Loret dans la Muse Historique.
Deux jours plus tard, la « troupe de Monsieur » joue L’Ecole des maris et Le Cocu à Fontainebleau pour la première fois devant le roi. Loret en témoigne dans son langage fleuri.
« Si riant et si beau
Qu’il fallut qu’à Fontainebleau
Cette troupe ayant la pratique
Du sérieux et du comique.
Pour reines et roi contenter
L’allât encore représenter ».

Le stratagème du « chandelier ». – Les courtisans jasent. Anne d’Autriche demande à son fils de se modérer : la galanterie ne saurait se transformer en adultère, qui plus est avec la femme de son second fils. Henriette propose à Louis le stratagème du « chandelier », il doit faire semblant de courtiser une jeune fille de l’entourage d’Henriette pour détourner ainsi l’attention. Trois jeunes filles sont choisies, parmi lesquelles la jeune Louise de La Vallière, demoiselle d’atour de Madame. Que croyez-vous qu’il arriva ? Dès juillet 1661, Louis tombe amoureux de Louise.

Ballet Les Saisons.- Le 26 juillet 1661, la cour danse : Louis danse le Printemps, Henriette Diane. La musique est de Lulli, le livret de Benserade, les fontaines de Vigarani qui récupère la charge d’ingénieur du roi, jusque-là détenue par Torelli.

« L’on répétait alors à Fontainebleau un ballet que le Roi et Madame dansèrent, et qui fut le plus agréable qui ait jamais été, soit par le lieu où il se dansait, qui était le bord de l’étang, ou par l’invention qu’on avait trouvée de faire venir du bout d’une allée le théâtre tout entier, chargé d’une infinité de personnes qui s’approchaient insensiblement et qui faisaient une entrée en dansant devant le théâtre. » (Mme de La Fayette).

« Ce n’était que festins, danses et fêtes galantes. Le comte de Saint-Aignan, toujours lui-même, se distinguait entre tous les autres. Il fit dresser un théâtre dans une allée du parc de Fontainebleau, ; il y avait des fontaines naturelles, des perspectives, une collation par ordre. On y représenta une comédie nouvelle ; et la fête enfin fût si magnifique qu’on soupçonna qu’il n’était que l’ordonnateur. Le Roi, la Reine et les dames s’y trouvèrent, et en furent fort satisfaits. » (abbé de Cosnac).

La fête de Vaux.- Le 17 août 1661, toute la cour est invitée à Vaux-le-Vicomte par Fouquet. Louis XIV arrive chez Fouquet entouré des gardes françaises ; les reines en carrosse, Madame en litière, suivis de la plupart des seigneurs et dames de la cour.

« Toute la Cour alla à Vaux et Monsieur Foucquet joignit à la magnificence de sa maison toute celle qui peut être imaginée pour la beauté des divertissements et la grandeur de la réception. Le Roi en arrivant en fut étonné, et Monsieur Foucquet le fut de remarquer que le Roi l’était ; néanmoins ils se remirent l’un et l’autre. La fête fut la plus complète qui ait jamais été. Le Roi était alors dans la première ardeur de la possession de La Vallière ; l’on a cru que ce fut là qu’il la vit pour la première fois en particulier ; mais il y avait déjà quelque temps qu’il la voyait dans la chambre du comte de Saint-Aignan, qui était le confident de cette intrigue. » (Mme de La Fayette).

« Ils ont été traités avec toute la magnificence imaginable, la bonne chère ayant été accompagnée du divertissement d’un fort agréable ballet, de la comédie et d’une infinité de feux d’artifice dans les jardins de cette belle et agréable maison, de manière que ce superbe régal se trouva assorti de tout ce qui se peut souhaiter dans les plus délicieux, et que Leurs Majestés, qui n’en partirent qu’à deux heures après minuit, à la clarté du grand nombre de flambeaux, témoignèrent en être merveilleusement satisfaites » (Loret, la Gazette, 18 août 1661).

Ballets de cour. – Durant les années 1663 à 1669, Henriette figure aux côtés de Louis XIV dans tous les ballets dansés par la cour, participe à toutes les fêtes et festins. La reine ne participe qu’en spectatrice à la plupart des divertissements : Marie-Thérèse n’aime pas danser, n’a aucun goût pour cela. Grâce à son rang, Henriette devient la suppléante de la reine ; elle ouvre le bal avec le roi. C’est elle qu’on admire, c’est elle dont on se souvient. Le rang de Madame la met au-dessus des deux favorites du roi, Louise de La Vallière d’abord, Françoise Athénaïs de Montespan ensuite.

Protectrice des arts et des lettres. – Henriette aime la littérature – romans et théâtre -. « L’on croyait avoir atteint à la perfection quand on avait su lui plaire ».
Tous les auteurs les plus brillants
Tremblent en portant leurs talents
Au fameux polissoir de sa belle ruelle. (Robinet)

Molière lui dédie la publication de l’Ecole des femmes, lors de sa sortie, le 17 mars 1663.

« De quelque côté qu’on vous regarde, on rencontre gloire sur gloire et qualités sur qualités. Vous en avez, Madame, du côté du rang et de la naissance, qui vous font respecter de toute la terre. Vous en avez du côté des grâces et de l’esprit et du corps qui vous font admirer de toutes les personnes qui vous voient. Vous en avez du côté de l’âme qui, si l’on ose parler ainsi, vous font aimer de tous ceux qui ont l’honneur d’approcher de vous ; je veux dire cette douceur pleine de charmes dont vous daignez tempérer la fierté des grands titres que vous portez ; cette bonté toute obligeante, cette affabilité généreuse, que vous faites paraître pour tout le monde ; et ce sont particulièrement, ces dernières pour qui je suis et dont je sens que je ne me pourrai taire quelque jour ».

Molière, toujours protégé par Henriette : elle fait venir la troupe du roi jouer Tartuffe chez elle à la place de Versailles. Le 18 juin 1670, elle assiste pour la dernière fois à une représentation de la troupe du roi. Lagrange note dans son registre : « reçu de M. le duc d’Orléans pour plusieurs visites, 1320 livres ».

Henriette apprécie aussi Racine : « elle est l’arbitre de tout ce qui se fait d’agréable », qui lui rend hommage dans la dédicace d’Andromaque dont elle assiste à la première représentation dans l’appartement de la reine le 17 novembre 1667. Elle met encore Racine et Corneille en compétition pour écrire une pièce dont le sujet est la séparation d’un roi de la femme qui l’aime. Elle est déjà morte quand Bérénice et Tite et Bérénice sont jouées pour la première fois.

« Madame se meurt, Madame est morte ». – Fin juin 1670, c’est le drame, comme en témoigne Madame de La Fayette :

« Le 24 juin de l’année 1670, huit jours après son retour d’Angleterre, Monsieur et elle allèrent à Saint-Cloud. Le premier jour qu’elle y alla, elle se plaignit d’un mal de côté et d’une douleur dans l’estomac, à laquelle elle était sujette. Néanmoins, comme il faisait extrêmement chaud, elle voulut se baigner dans la rivière. Monsieur Yvelin, son premier médecin, fit tout ce qu’il put pour l’en empêcher ; mais, quoi qu’il lui pût dire, elle se baigna le vendredi, et le samedi elle s’en trouva si mal qu’elle ne se baigna point.
[…] Le lendemain, dimanche 29 juin, elle se leva de bonne heure et descendit chez Monsieur qui se baignait ; elle fut longtemps auprès de lui, et, en sortant de sa chambre, elle entra dans la mienne…

Madame de Gamaches lui apporta … un verre de chicorée qu’elle avait demandé … Elle le but ; et, en remettant d’une main la tasse sur la soucoupe, de l’autre elle se prit le côté et dit avec un ton qui marquait beaucoup de douleur : « Ah ! quel point de côté ; ah ! quel mal. Je n’en puis plus ».

Elle rougit en prononçant ces paroles, et, dans le moment d’après, elle pâlit d’une pâleur livide qui nous surprit tous ; elle continua de crier et dit qu’on l’emportât, comme ne pouvant plus se soutenir. […]
On la mit au lit ; et, sitôt qu’elle y fut, elle cria encore plus qu’elle n’avait fait et se jeta d’un côté et d’un autre, comme une personne qui souffrait infiniment…. Cependant les douleurs étaient inconcevables ; Madame dit que son mal était plus considérable qu’on ne pensait, qu’elle allait mourir, qu’on lui allât quérir un confesseur. […]
Il sembla qu’elle avait une certitude entière de sa mort et qu’elle s’y résolut comme à une chose indifférente…. Elle ne songeait plus à la vie et ne pensait qu’à souffrir ses douleurs avec patience. […]
Lorsque le Roi arriva, Madame était dans ce redoublement de douleurs que lui avait causé le bouillon. … Cependant le Roi était auprès de Madame ; elle lui dit qu’il perdait la plus véritable servante qu’il aurait jamais. Il lui dit qu’elle n’était pas en si grand péril, mais qu’il était étonné de sa fermeté, et qu’il la trouvait grande. Elle lui répliqua qu’il savait bien qu’elle n’avait jamais craint la mort, mais qu’elle avait craint de perdre ses bonnes grâces. […]
Le Roi voyant que, selon les apparences, il n’y avait rien à espérer, lui dit adieu en pleurant. Elle lui dit qu’elle le priait de ne point pleurer, qu’il l’attendrissait et que la première nouvelle qu’il aurait le lendemain serait celle de sa mort. […]
Le Roi s’en alla, et les médecins déclarèrent qu’il n’y avait aucune espérance. […]
Son agonie n’eut qu’un moment ; et, après deux ou trois petits mouvements convulsifs dans la bouche, elle expira à deux heures et demie du matin, et nef heures après avoir commencé à se trouver mal » (Mme de La Fayette).

Le 21 août 1670, dans l’église Saint-Denis, Bossuet prononce l’oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre :

« Princesse, le digne objet de l’admiration de deux grands royaumes, n’était-ce pas assez que l’Angleterre pleurât votre absence, sans être encore réduite à pleurer votre mort ? Et la France, qui vous revit, avec tant de joie, environnée d’un nouvel éclat, n’avait-elle plus d’autres pompes et d’autres triomphes que vous, au retour de ce voyage fameux, d’où vous aviez remporté tant de gloire et de si belles espérances ? […]
Mais cette princesse, née sur le trône, avait l’esprit et le cœur plus haut que sa naissance. Les malheurs de sa maison n’ont pu l’accabler dans sa première jeunesse, et dès lors on voyait en elle une grandeur qui ne devait rien à la fortune. Nous disions avec joie que le ciel l’avait arrachée, comme par miracle, des mains des ennemis du roi son père pour la donner à la France ; don précieux, inestimable présent, si seulement la possession en avait été plus durable ! Mais pourquoi ce souvenir vient-il m’interrompre ? Hélas ! nous ne pouvons un moment arrêter les yeux sur la gloire de la princesse sans que la mort s’y mêle aussitôt pour tout offusquer de son ombre. […]
Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte ! Qui de nous ne se sentit frappé à ce coup comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? Au premier bruit d’un mal si étrange, on accourut à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout consterné, excepté le cœur de cette princesse. Partout on entend des cris ; partout on voit la douleur et le désespoir, et l’image de la mort. Le Roi, la Reine, Monsieur, toute la Cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré ; et il me semble que je vois l’accomplissement de cette parole du prophète : Le roi pleurera, le prince sera désolé et les mains tomberont au peuple de douleur et d’étonnement. […]
Madame a passé du matin au soir, ainsi que l’herbe des champs. Le matin, elle fleurissait ; avec quelles grâces, vous le savez ; le soir, nous la vîmes séchée ; et ces fortes expressions par lesquelles l’Ecriture sainte exagère l’inconstance des choses humaines, devaient être pour cette princesse si précises et si littérales ! ».

Sources : Madame de La Fayette, Histoire de Madame, Henriette d’Angleterre, Mercure de France, le temps retrouvé ; ss la dir. de J. Bély, Dictionnaire de Louis XIV, Robert Laffont, coll. Bouquins ; Bossuet, Recueil des oraisons funèbres, Antoine Blacre, 1816.

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°39 – Le Lion, le Loup et le Renard

Le Lion, le Loup et le Renard

Un Lion décrépit, goutteux, n’en pouvant plus,

Voulait que l’on trouvât remède à la vieillesse :
Alléguer l’impossible aux Rois, c’est un abus.
Celui-ci parmi chaque espèce
Manda des Médecins ; il en est de tous arts :
Médecins au Lion viennent de toutes parts ;
De tous côtés lui vient des donneurs de recettes.

Dans les visites qui sont faites

Le Renard se dispense, et se tient clos et coi.
Le Loup en fait sa cour, daube au coucher du Roi
Son camarade absent ; le Prince tout à l’heure
Veut qu’on aille enfumer Renard dans sa demeure,
Qu’on le fasse venir. Il vient, est présenté ;
Et sachant que le Loup lui faisait cette affaire :

Je crains, Sire, dit-il, qu’un rapport peu sincère,
Ne m’ait à mépris imputé
D’avoir différé cet hommage ;
Mais j’étais en pèlerinage ;
Et m’acquittais d’un vœu fait pour votre santé.

Même j’ai vu dans mon voyage
Gens experts et savants ; leur ai dit la langueur
Dont votre Majesté craint à bon droit la suite :
Vous ne manquez que de chaleur :
Le long âge en vous l’a détruite :
D’un Loup écorché vif appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante ;
Le secret sans doute en est beau
Pour la nature défaillante.

Messire Loup vous servira,
S’il vous plaît, de robe de chambre.
Le Roi goûte cet avis-là :
On écorche, on taille, on démembre
Messire Loup. Le Monarque en soupa ;
Et de sa peau s’enveloppa ;
Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire :
Faites si vous pouvez votre cour sans vous nuire.

Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour, d’une ou d’autre manière :
Vous êtes dans une carrière
Où l’on ne se pardonne rien.

 

Jean de La Fontaine Livre VIII, fable 3

Le lion, le loup et le renard. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°38 – Le Cheval et le Loup

Le Cheval et le Loup

Un certain loup, dans la saison

Quel les tièdes zéphyrs ont l’herbe rajeunie,
Et que les animaux quittent tous la maisons
Pour s’en aller chercher leur vie,
Un loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l’hiver,
Aperçut un cheval qu’on avait mis au vert.
Je laisse à penser quelle joie.
« Bonne chasse, dit-il, qui l’aurait à son croc !
Eh ! que n’es-tu mouton ! car tu me serais hoc,
Au lieu qu’il faut ruser pour avoir cette proie.

Rusons donc. » Ainsi dit, il vient à pas comptés ?

Se dit écolier d’Hippocrate ;
Qu’il connaît les vertus et les propriétés
De tous les simples de ces prés ;
Qu’il sait guérir, sans qu’il se flatte,
Toutes sortes de maux. Si dom Coursier voulait
Ne point celer sa maladie,
Lui loup gratis le guérirait ;
Car le voir en cette prairie
Paître ainsi, sans être lié,
Témoignait quelque mal, selon la médecine.

« J’ai, dit la bête chevaline,

Une apostume sous le pied.
– Mon fils, dit le docteur, il n’est point de partie
Susceptible de tant de maux.
J’ai l’honneur de servir nos seigneurs les Chevaux,
Et fais aussi la chirurgies. »
Mon galant ne songeait qu’à bien prendre son temps,
Afin de happer son malade.
L’autre, qui s’en doutait, lui lâche une ruade,
Qui vous lui met en marmelade
Les mandibules et les dents.

« C’est bien fait, dit le loup en soi-même fort triste ;

Chacun à son métier doit toujours s’attacher.
Tu veux faire ici l’arboriste,
Et ne fus jamais que boucher. »

Jean de La Fontaine Livre V, fable 16

Le cheval et le loup. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°37 – Le Loup, la Mère et l’Enfant

Le Loup, la Mère et l’Enfant

Ce loup me remet en mémoire

Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris :
Il y périt. Voici l’histoire :

Un villageois avait à l’écart son logis.

Messer loup attendait chape-chute à la porte :
Il avait vu sortir gibier de toute sorte,
Veaux de lait, agneaux et brebis,
Régiments de dindons, enfin bonne provende.
Le larron commençait pourtant à s’ennuyer.
Il entend un enfant crier :
La mère aussitôt le gourmande,
Le menace, s’il ne se tait,
De le donner au loup. L’animal se tient prêt,
Remerciant les dieux d’une telle aventure,
Quand la mère, apaisant sa chère géniture,
Lui dit : « Ne criez point ; s’il vient, nous le tuerons.

– Qu’est ceci ? s’écria le mangeur de moutons :

Dire d’un, puis d’un autre ! Est-ce ainsi que l’on traite
Les gens faits comme moi ? me prend-on pour un sot ?
Que quelque jour ce beau marmot
Vienne au bois cueillir la noisette ! »
Comme il disait ces mots, on sort de la maison :
Un chien de cour l’arrête ; épieux et fourches-fières
L’ajustent de toutes manières.
« Que veniez-vous chercher en ce lieu ? » lui dit-on.
Aussitôt il conta l’affaire.
« Merci de moi ! lui dit la mère ;
Tu mangeras mon fils ! L’ai-je fait à dessein
Qu’il assouvisse un jour ta faim ? »
On assomma la pauvre bête.

Un manant lui coupa le pied droit et la tête :

Le seigneur du village à sa porte les mit ;
Et ce dicton picard à l’entour fut écrit :

« Biaux chires leups, n’écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie. »

Jean de La Fontaine Livre IV, fable 16

Le loup, la mère et l’enfant. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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Gazette de Soracha n° 8 – Louise de La Vallière

Louise de la Baume Le Blanc, duchesse de La Vallière, première maîtresse de Louis XIV, est morte le 6 juin 1710.

« C’était une petite violette qui se cachait sous l’herbe, et qui était honteuse d’être maîtresse, d’être mère, d’être duchesse. Jamais il n’y en aura sur ce moule-là » (Mme de Sévigné).

Louise de la Valliere

Jean Nocret, Louise de la Vallière.

Résumé. – En juillet 1661, Louise de La Baume Le Blanc devient, à 17 ans, la maîtresse du roi. Louise est follement éprise de Louis : « elle ne songeait qu’à être aimé du roi et à l’aimer » (Mme de La Fayette). Après la mort de la reine-mère Anne d’Autriche, en 1666, elle devient la maîtresse officielle de Louis XIV. Puis son prestige diminue et, de 1667 à 1674, la jeune femme se voit contrainte de partager son titre de favorite du roi avec Madame de Montespan qui l’a supplantée auprès du roi. Le 3 juin 1674, Louise entre au Carmel de l’Incarnation et devient, l’année suivante, sœur Louise de la Miséricorde. Elle s’éteint le 6 juin 1710 après 35 ans de vie religieuse.

 

 

Une jeunesse heureuse.- Françoise-Louise, appelée Louise, est née à Tours le 6 août 1644 dans une famille de petite noblesse. Elle passe son enfance à Reugny dans la campagne tourangelle où elle reçoit une éducation soignée. Après le décès de son père en 1651, sa mère se remarie avec le premier maître d’hôtel de Gaston d’Orléans. Après avoir passé sa vie à comploter contre son frère Louis XIII et à attiser la fronde contre son neveu Louis XIV, Gaston d’Orléans, s’est installé à Blois dans une retraite-exil. Une petite cour s’est formée autour de son épouse Marguerite de Lorraine et de ses trois filles, Marguerite-Louise d’Orléans, Elisabeth dite Melle d’Alençon, et Françoise-Madeleine dite Melle de Valois. Parmi les demoiselles d’honneur, Louise de La Vallière apprend les bonnes manières et parfait son éducation.

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°36 – Le Loup, la Chèvre et le Chevreau

Le Loup, la Chèvre et le Chevreau

La bique allant remplir sa traînante mamelle,

Et paître l’herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet :
« Gardez-vous, sur votre vie,
D’ouvrir que l’on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet :
Foin du loup et de sa race ! »

Comme elle disait ces mots,

Le loup de fortune passe ;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La bique, comme on peut croire,
N’avait pas vu le glouton.
Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton,
Et d’une voix papelarde
Il demande qu’on ouvre en disant: « Foin du loup ! »

Et croyant entrer tout d’un coup.

Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
« Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point, »
S’écria-t-il d’abord. (Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il était venu s’en retourna chez soi.
Où serait le biquet s’il eût ajouté foi
Au mot du guet, que de fortune
Notre loup avait entendu ?

Deux sûretés valent mieux qu’une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.

Jean de La Fontaine Livre IV, fable 15

Le loup, la chèvre et le chevreau. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF

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La Gazette de Soracha – n°7 – Madeleine de Scudéry

Madeleine de Scudéry est morte le 2 juin 1701

Madeleine de Scudéry, Ecole française, Bibliotheque Municipale, Le Havre.

“L’amour est un je-ne-sais-quoi, qui vient je-ne-sais-où et qui finit je-ne-sais-quand”.

Résumé. – Madeleine de Scudéry est une grande dame de la littérature française du XVIIe siècle, auteur du Grand Cyrus et de Clélie, deux best-sellers à l’époque. « La reine des précieuses », « nouvel oracle de la galanterie » (évêque Antoine Godeau), « institutrice des mœurs » (Sainte-Beuve), Madeleine de Scudéry est l’une des premières femmes de lettres modernes. Décrite comme « l’Universelle » par ses contemporains italiens, admirée par La Fontaine et par Leibniz, Madeleine de Scudéry n’est nullement « une femme sottement savante » comme les caricature Molière dans Les Précieuses ridicules (1659) et Les Femmes savantes (1672).

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Dominique Sagne – “Juin”

“Juin” Dominique Sagne

Ce sacré petit mois de Juin
Couvert des couleurs d’arlequin,
Nous conduit vers l’été, doucement,
Allongeant les jours discrètement.

Les averses, fréquentes, nettoient la nature
Et laissent, derrière elles, un ciel d’azur.
Exaltant, des parfums enivrants
Dans un univers transparent.

Et, pourtant l’on sait sans aucun doute
Que, quand Saint Barnabé, sous la céleste voûte
Coupe le pied de ce pauvre Saint Médard
L’été somnolent n’est jamais en retard.

Et sous un soleil chaud et éclatant
En ce dernier mois du printemps
S’épanouie, la fête de la musique
Nous entraînant, dans une ronde magnifique.

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“Les Fables” de Jean de la Fontaine – n°35 – La Fille

La Fille 

Certaine fille un peu trop fière

Prétendait trouver un mari
Jeune, bien fait et beau, d’agréable manière.
Point froid et point jaloux ; notez ces deux points-ci.
Cette fille voulait aussi
Qu’il eût du bien, de la naissance,
De l’esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ?

Le destin se montra soigneux de la pourvoir :

Il vint des partis d’importance.
La belle les trouva trop chétifs de moitié.
Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l’on radote, je pense.
A moi les proposer ! hélas ils font pitié.
Voyez un peu la belle espèce !
L’un n’avait en l’esprit nulle délicatesse ;
L’autre avait le nez fait de cette façon-là ;
C’était ceci, c’était cela,
C’était tout ; car les précieuses
Font dessus tous les dédaigneuses.

Après les bons partis, les médiocres gens

Vinrent se mettre sur les rangs.
Elle de se moquer. Ah vraiment je suis bonne
De leur ouvrir la porte : Ils pensent que je suis
Fort en peine de ma personne.
Grâce à Dieu, je passe les nuits
Sans chagrin, quoique en solitude.

La belle se sut gré de tous ces sentiments.

L’âge la fit déchoir : adieu tous les amants.
Un an se passe et deux avec inquiétude.
Le chagrin vient ensuite : elle sent chaque jour
Déloger quelques Ris, quelques jeux, puis l’amour ;
Puis ses traits choquer et déplaire ;
Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire
Qu’elle échappât au temps cet insigne larron :
Les ruines d’une maison
Se peuvent réparer ; que n’est cet avantage
Pour les ruines du visage !

Sa préciosité changea lors de langage.

Son miroir lui disait : Prenez vite un mari.
Je ne sais quel désir le lui disait aussi ;
Le désir peut loger chez une précieuse.
Celle-ci fit un choix qu’on n’aurait jamais cru,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru.

Jean de La Fontaine Livre VII, fable 5

La fille. J-B Oudry Source gallica .bnf.fr/BnF